Sa compassion envers les pauvres
CHAPITRE 51
COMMENT IL ÉTAIT JALOUX DES PLUS PAUVRES QUE LUI.
- Qui pourrait décrire son immense compassion envers les pauvres ? Bon, il l’était naturellement, mais la grâce augmenta encore sa charité. A la vue des pauvres, son coeur se serrait, et s’il ne pouvait matériellement leur venir en aide, il leur donnait au moins le témoignage de son affection. il voyait souffrir le Christ dans chaque misère rencontrée ; il reconnaissait dans tous les pauvres le Fils de Notre-Dame qui fut pauvre ; il portait nu dans son coeur celui qu’elle avait porté nu dans ses bras. Il avait expulsé de son coeur tout sentiment d’envie, mais il ne put se défendre d’envier la pauvreté. A voir un plus pauvre que lui, aussitôt il en était jaloux et, dans cette lutte à qui serait le plus pauvre, tremblait toujours d’être vaincu.
- Pendant une tournée de prédication, l’homme de Dieu rencontra un jour un pauvre dont le dénuement lui fit mal. Il se tourna vers son compagnon et lui dit : « La détresse de cet homme est pour nous un grand affront ; elle inflige un blâme sévère à notre pauvreté.
– Pourquoi cela, frère ? » lui demanda son compagnon. Et le saint de répondre, des larmes dans la voix : « J’ai choisi la pauvreté pour toute richesse, je l’ai choisie pour Dame, et regarde : elle est chez cet homme plus éclatante que chez moi. Tu n’es pas sans savoir que dans le monde entier on va répétant que nous sommes, pour l’amour du Christ, les plus pauvres des pauvres. Eh bien, c’est faux : celui-ci nous en donne la preuve ! »
Envie que nous envions ! Jalousie dont nous devons être jaloux ! Jalousie, mais non pas celle qui s’afflige du bonheur d’autrui, qui craint les rayons du soleil, qui défend à la pitié l’accès du coeur, qui se ronge d’amertume. Croyez-vous que la pauvreté n’ait rien d’enviable ? Elle possède le Christ, et par le Christ, elle possède tout en toutes choses[1]. Pourquoi cette course aux revenus que nous constatons chez les clercs d’aujourd’hui ? Plus tard, vous comprendrez quelle fut la richesse de François quand vous aurez touché vos revenus sous forme de tourments.
[1] 1 Co 12 6.