VITA SECUNDA 190

CHAPITRE 143

FRÈRE JEAN LE SIMPLE.

190. Saint François passait un jour à proximité d’un hameau voisin d’Assise ; un certain Jean, garçon d’une grande simplicité, qui labourait son champ, accourut et lui dit : « Je veux que tu me reçoives au nombre des frères, car il y a longtemps que je voudrais servir Dieu. » A la vue de cette belle simplicité, le bienheureux conçut une grande joie et répondit à sa demande : « Frère, si tu veux partager notre vie, donne aux pauvres ce que tu possèdes ; je te recevrai lorsque tu te seras dépouillé de tout. » Sur-le-champ, il détela ses bœufs et désignant l’un à saint François : « J’ai suffisamment servi mon père pour mériter cette part d’héritage : nous donnerons celui-là aux pauvres ! »

Le bienheureux sourit devant ce bel élan de simplicité ; mais les parents et les frères de Jean apprirent la chose et accoururent tout en larmes, regrettant d’ailleurs le bœuf plus que le garçon. « Ne vous tourmentez pas, dit le saint ; je vous rends le bœuf et je prends le frère1. » Il l’emmena donc avec lui, lui donna l’habit et fit de lui, à cause de sa simplicité, l’un de ses compagnons particuliers.

Quand François était en train de méditer, Jean le simple imitait et reproduisait tous ses gestes et attitudes : si le saint crachait, il crachait ; s’il toussait, il toussait ; il mêlait ses soupirs et ses larmes aux soupirs et aux larmes du Père ; il levait en même temps que lui ses mains vers le ciel ; les yeux toujours fixés sur lui comme sur un modèle, il voulait copier tout ce qu’il lui voyait faire. Le Père aperçut le manège et lui en demanda un jour la raison ; il répondit : « J’ai promis de faire tout ce que tu fais ; je ne veux pas risquer d’omettre quoi que ce soit. » Cette pure simplicité réjouit le saint, mais il lui demanda affectueusement de ne plus continuer. Quelque temps après, cet homme simple, l’âme toujours aussi pure, s’en retournait vers le Seigneur. Le saint proposait fréquemment sa vie à l’imitation des frères ; il aimait à l’appeler non pas frère Jean, mais saint Jean.

Remarquons bien ce trait caractéristique de la simplicité : suivre les exemples de ceux qui sont meilleurs que nous et nous appuyer toujours sur les préceptes et sur les exemples des saints. Qui donnera aux sages de ce monde la grâce d’imiter saint François, maintenant dans la gloire du ciel, avec autant de ferveur que n’en mit ce frère simple à l’imiter durant sa vie ! Car enfin, c’est pour l’avoir suivi durant sa vie sur terre qu’il mérita de le précéder dans la vie éternelle.

Table des chapitres

 

 

1  Le Speculum décrit le repas d’adieux à l’issue duquel François prononça un joli toast bien adapté : « Votre fils veut servir Dieu ; vous ne devez pas vous en attrister mais en être au contraire très joyeux… Dieu sera grâce à lui honoré par votre propre chair, et tous nos frères seront pour vous des fils et des frères… »

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