La sainte simplicité.
CHAPITRE 142
EN QUOI CONSISTE LA VRAIE SIMPLICITÉ.
189. Fille de la grâce, soeur de la sagesse, mère de la justice, la sainte simplicité était l’idéal où voulait atteindre le bienheureux, et la vertu qu’il aimait retrouver chez autrui ; non pas toutefois n’importe quelle simplicité, mais celle à qui Dieu suffit et pour qui tout le reste n’est rien. Elle place sa fierté dans sa crainte de Dieu, qui lui fait ignorer le mal en paroles et en actes. Elle se connaît suffisamment pour ne condamner personne. Elle laisse à de plus dignes le pouvoir qui leur revient, et ne brigue pour elle-même aucune charge. Elle ne surestime pas les distinctions profanes1. Elle préfère plutôt agir qu’apprendre ou enseigner. Dans l’interprétation des Saintes Ecritures, elle laisse volontiers en partage à ceux qui désirent leur perte le fatras verbeux, les fioritures, les recherches d’élégance, les étalages de science et les subtilités. Elle veut non l’écorce, mais la moelle, non l’enveloppe mais l’amande, non pas la quantité mais la qualité, le bien suprême et stable.
C’est elle que le Père voulait voir chez les frères lettrés comme chez les laïcs, car il ne la jugeait pas l’ennemie, mais bien la soeur authentique de la sagesse, plus accessible aux pauvres, toutefois, et de plus grande utilité pratique que la science. C’est pourquoi il commence de la sorte les Laudes qu’il composa sur les vertus : « Salut, reine sagesse, que le Seigneur te sauve avec ta soeur la pure et sainte simplicité2 ! »
1 Littéralement : les gloires grecques; allusion à 2 M 4 15, où les Juifs sont blâmés pour ne faire aucun cas des titres honorifiques de leur pays, alors qu’ils tiennent en haute estime les distinctions des Grecs. Sabatier interprète un peu différemment : « C’est vers cette époque (Chapitre de 1224) qu’il s’est élevé contre les ‘ lauriers byzantins ‘ du rationalisme alors en honneur dans les écoles. » (Etudes inéd., p. 302).