VITA SECUNDA 191

CHAPITRE 144

COMMENT IL ENCOURAGEAIT L’UNION ENTRE SES FILS ET LA LEUR ENSEIGNAIT EN PARABOLE.

191. L’une de ses préoccupations maîtresses fut toujours de maintenir solide entre ses fils le lien de l’unité, afin qu’entrés dans l’Ordre sous la motion d’un seul et même Esprit, engendrés par un seul et même Père, tous vivent en paix dans le sein d’une seule et même mère. Il voulait que règne l’union entre grands et petits, que savants et simples communient à la même fraternelle affection, que la puissance de l’amour rapproche ceux que séparait la distance.

Il leur proposa un jour cette parabole, qui contient une précieuse leçon : « Il y avait une fois Chapitre général pour tous les religieux que compte la sainte Eglise ; on y trouvait des lettrés et des hommes sans culture, des savants et d’autres qui n’avaient de science que celle de plaire à Dieu. On invita l’un des sages et l’un des simples à donner un sermon. Le savant réfléchit – les savants réfléchissent toujours – et se dit en lui-même : « Ce n’est pas le moment de faire étalage de ma science, car il y a ici l’élite des savants, il ne convient pas que je me fasse remarquer par ma prétention en voulant proposer des subtilités aux esprits les plus subtils. Un discours bien simple aura plus de chance de porter ses fruits. »

« Au jour dit, tous les Ordres se rassemblent pour n’en faire plus qu’un ; on est pressé d’entendre le sermon. Et l’on voit arriver le savant habillé d’un sac, la tête couverte de cendres, prêchant surtout par son attitude ; à l’émerveillement de tous, il laisse tomber ces quelques phrases : « Nous avons promis de grandes choses, de plus grandes nous ont été promises : réalisons celles-là, et soupirons après celles-ci. Le plaisir est court, la peine éternelle ; la souffrance est légère, la gloire infinie. Beaucoup sont appelés, peu sont élus, tous recevront ce qu’ils auront mérité. » Tous sont émus, fondent en larmes et considèrent ce vrai sage comme un saint. Alors le simple dit en son coeur : « Tout ce que j’avais prévu, gestes et paroles, le savant me l’a ravi. Voici ce que je vais faire : je connais quelques versets de psaumes ; je parlerai à la façon des maîtres, puisqu’il s’est conduit à la façon des simples. »

« Arrive la séance du lendemain ; le simple se lève, énonce le texte du psaume qu’il a choisi pour thème, et voilà qu’inspiré par l’Esprit de Dieu, il se met à prêcher avec tant de ferveur, de pénétration et de douceur que tout l’auditoire s’exclame, stupéfait : « Vraiment les simples sont les intimes de Dieu1 ! »

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1  Pr 3 32.

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