VITA SECUNDA 77

CHAPITRE 4

COMMENT IL AMENA DES CHEVALIERS A MENDIER LEUR REPAS.

  1. Quand le bienheureux François, accablé de maladies, fut proche de sa dernière heure, le peuple d’Assise le réclama et dépêcha une solennelle escorte le prendre à Nocera pour ne pas abandonner à des étrangers la gloire de posséder son corps. Les chevaliers mirent respectueusement leurs chevaux à sa disposition pour le voyage. On arriva dans un pauvre petit village nommé Satriano[1] à l’heure du repas. Les chevaliers qui avaient faim voulurent acheter des victuailles, mais ils revinrent bredouilles et dirent au bienheureux François : « Il va falloir que tu nous distribues tes aumônes puisque ici nous ne trouvons rien à acheter. »

Le saint leur répondit : « Si vous ne trouvez rien, c’est que vous avez confiance en vos mouches plus qu’en Dieu (il appelait mouches les deniers[2]). Mais retournez aux maisons où vous avez frappé déjà, et demandez-y l’aumône humblement, offrant en échange non pas votre argent, mais « l’amour de Dieu ». N’en ayez point honte : depuis le péché, tout ce que nous recevons est donné à titre d’aumône ; dignes et indignes, tous sont tributaires de la magnanime bonté de notre Grand Aumônier. » Les chevaliers, oubliant tout respect humain, partirent à la quête de bon coeur et trouvèrent à acheter bien plus « pour l’amour de Dieu » qu’à prix d’or. Parmi les gens du village, c’était à qui leur donnerait le plus. La riche pauvreté avait été plus forte que la richesse famélique.

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[1] Sans doute composé de quelques feux seulement groupés autour d’un château. Cette localité est située près de San Giovanni dei Tre Fossi, le long de l’ancienne route d’Assise à Nocera Umbra (Cf. Arnaldo Fortini, dans Frate Francesco, 1925, p. 276-280).

[2] Cf. LM 7 10, n. 14. Peut-être avons-nous ici une allusion au vocabulaire militaire des sièges : on appelait « mouchettes » les essaims de petits projectiles, flèches et cailloux, lancés sur la ville et contre les remparts. (Du Cange, Muschetta.)

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