PÉNÉTRATION DES CONSCIENCES
- Un jour, le bienheureux François voyageait avec un frère d’Assise, homme de vie intérieure, originaire d’une famille noble et riche[1]. Le saint, qui était faible et malade, montait un âne. Le frère, fatigué de la route, se mit à ruminer et à dire en lui-même : « Sa famille ne pouvait se comparer à la mienne, et maintenant c’est lui qui est en selle, et moi je le suis à pied, bien fatigué, aiguillonnant sa bête. » il en était là de ses pensées quand tout à coup le bienheureux descendit de son âne et lui dit : « Frère, il n’est ni juste ni convenable que je sois monté alors que toi tu vas à pied, car dans le monde tu étais plus noble et plus riche que moi. » Le frère, plein de stupéfaction et de honte, se jeta à ses pieds en pleurant, avoua ses pensées secrètes et reconnut sa faute. il admira fort la sainteté de celui qui avait immédiatement pénétré sa pensée. Aussi, quand les frères, à Assise, prièrent le seigneur pape Grégoire et les cardinaux de canoniser le bienheureux François, il témoigna devant eux de l’authenticité du fait.
- Un frère[2], homme spirituel et ami de Dieu, demeurait au couvent des frères de Rieti. Un beau jour il se leva et, poussé par le désir de voir François et de recevoir sa bénédiction, s’en vint en grande dévotion à l’ermitage des frères de Greccio où résidait alors le bienheureux. Le saint avait déjà pris son repas et réintégré la cellule qu’on avait mise à sa disposition pour la prière et le repos. On était en carême, et le bienheureux ne descendait de sa cellule que pour prendre un peu de nourriture, et il y retournait aussitôt. Le frère ne le trouva donc pas. Il en fut très peiné, surtout qu’il devait rentrer à son couvent le soir même, et qu’il attribuait ce contretemps à ses péchés. Les compag,nons du saint le consolèrent, et le frère se remit en route. Il n’était pas éloigné d’un jet de pierre, quand le bienheureux François, par la volonté du Seigneur, sortit de sa cellule ; il appela l’un de ses compagnons (celui qui faisait un bout de chemin avec lui jusqu’à la fontaine du lac) et lui demanda : « Dis à ce frère de se tourner vers moi ! » Le frère se retourna vers le saint, qui le bénit d’un signe de croix. Plein de joie intérieure et extérieure, il loua le Seigneur qui avait exaucé son désir. Sa consolation fut d’autant plus grande qu’à ses yeux, c’était par la volonté de Dieu qu’il avait reçu cette bénédiction sans l’avoir sollicitée et sans aucune intervention humaine. Les compagnons du saint et les autres frères du couvent furent remplis d’admiration. Ils regardèrent la chose comme miraculeuse, car personne n’avait prévenu le bienheureux François de l’arrivée de ce frère. D’ailleurs ses compagnons, pas plus que les autres frères, n’osaient aller vers le saint s’il ne les avait pas appelés. Partout où il séjournait pour prier, dans les autres couvents comme dans celui-ci, il voulait rester isolé, interdisant qu’on le dérange sans avoir été convoqué.
[1] Probablement frère Léonard d’Assise . 2 C 3l.
[2] Probablement frère Richer. Episodes semblables en 2 C 44 bis et 45.