LÉGENDE DE PÉROUSE 32

LEÇON DE PAUVRETÉ A GRECCIO

  1. Une fois, dans ce même couvent de Greccio, un Ministre des frères vint trouver le bienheureux François pour célébrer avec lui la Nativité du Seigneur[1]. Les frères, pour la fête et pour la visite du Ministre, avaient préparé une belle table, recouverte de verres à boire. Quand le bienheureux descendit de sa cellule pour manger et qu’il vit la table dressée et ornée avec raffinement, il sortit sans se faire voir et emprunta le chapeau et le bâton d’un pauvre de passage au couvent ce jour-là. Il appela à voix basse un de ses compagnons et franchit avec lui la porte de l’ermitage à l’insu de tous. Cependant les frères se mirent à table sans lui : il ne voulait pas qu’on l’attende s’il n’arrivait pas à l’heure du repas.

Son compagnon ferma la porte et resta au dedans, tout contre elle. Le saint frappa, et le frère lui ouvrit aussitôt. Il entra, chapeau sur le dos, bâton en main, comme un pèlerin. Arrivé devant la porte de la maison où mangeaient les frères, il cria comme font les mendiants : « Pour l’amour du Seigneur Dieu, faites l’aumône à ce pèlerin pauvre et malade !» Le Ministre, ainsi que les autres frères, le reconnut aussitôt et lui dit : « Frère, nous aussi nous sommes pauvres, et comme nous sommes nombreux nous avons besoin des aumônes que nous mangeons. Mais, pour l’amour de Dieu que tu as invoqué, entre chez nous, et nous te donnerons une part des aumônes que le Seigneur nous a procurées. » Il entra et resta debout prés de la table. Le Ministre lui tendit l’écuelle dans laquelle il était en train de manger, et un morceau de son pain. Il les prit et s’assit par terre auprès du feu devant les frères qui avaient pris place à table. Il dit alors en soupirant : « Quand j’ai vu cette table somptueuse et raffinée, j’ai considéré que ce n’était pas la table de pauvres religieux qui vont chaque jour de porte en porte. Nous devons suivre l’exemple de l’humilité et de la pauvreté, plus que les autres religieux, car c’est à cela que nous avons été appelés, et nous l’avons promis devant Dieu et devant les hommes. Maintenant, me semble-t-il, je suis assis comme doit l’être un frère ! » Tous furent couverts de confusion, car ils voyaient bien que c’était la vérité. Certains fondirent en larmes en le voyant assis par terre et en considérant avec quelle sainteté et quel à-propos il leur avait fait la leçon.

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[1] Il s’agirait de Pâques, pour 2 C 61 et LM 7 9.

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