VITA SECUNDA 37

CHAPITRE 8

 

COMMENT IL PRÉDIT LA GUERRE CIVILE AUX HABITANTS DE PÉROUSE. ÉLOGE DE LA CONCORDE.

 

  1. Le bienheureux Père descendit quelques jours après de sa cellule de Greccio ; il annonça aux frères, d’une voix qui trahissait sa peine : « Voilà longtemps que les habitants de Pérouse agissent aux dépens de leurs voisins[1] et leur coeur s’est enorgueilli, mais ils n’en tireront que de la honte, car la vengeance de Dieu est proche et sa main déjà est à la poignée de son glaive. » Il attendit encore quelques jours et puis, la ferveur de l’Esprit le poussant, il partit vers Pérouse. Il était clair que, durant son séjour en cellule, il avait été favorisé d’une vision.

Arrivé à Pérouse, il rassembla donc le peuple et se mit à prêcher. Mais il y avait sur la place, comme d’habitude, des chevaliers qui faisaient du manège et des passes d’armes, empêchant ainsi le sermon. Le bienheureux s’adressant à eux leur dit en gémissant : « Malheureux, êtes-vous donc stupides au point de n’accorder ni attention ni respect aux jugements de Dieu ! Ecoutez plutôt ce que le Seigneur vous annonce par moi, petit pauvre : si le Seigneur vous a donné puissance sur tous vos voisins, c’est afin que vous soyez plus complaisants pour eux et plus reconnaissants pour lui. Mais vous êtes des ingrats, vous multipliez vos incursions, vous tuez et vous pillez. Tout cela, je vous le dis, ne restera pas sans châtiment, et pour que la punition soit plus lourde, c’est par une guerre civile que Dieu consommera votre perte, et l’émeute vous dressera les uns contre les autres. La colère de Dieu vous instruira puisque vous n’avez rien tiré de sa bonté. »

L’émeute éclata peu après on prit les armes et l’on n’épargna même pas sa famille ; le peuple s’insurgea contre les chevaliers et les chevaliers en représailles décimèrent le peuple. La lutte fut si atroce et meurtrière que leurs voisins eux-mêmes, pourtant victimes des Pérugins, avaient pitié d’eux[2].

La sanction était juste et inéluctable : ils s’étaient éloignés du Souverain Bien qui est un ; l’unité ne pouvait qu’être brisée entre eux. Il n’y a pas de lien plus solide pour nouer l’unité d’un état, que l’amour de Dieu, conséquence d’une foi sincère et sans hypocrisie.

Table des chapitres

 

[1] François avait eu l’occasion de l’expérimenter lui-même par sa captivité,

[2] Pérouse a donné bien des soucis aux diplomates pontificaux : en 1214, une première sédition avait été apaisée par Innocent III ; en 1217 et 1223, Honorius III dut intervenir pour ramener la paix ; de 1225 à 1228, les nobles restèrent exilés de Pérouse ; ils ne purent y rentrer que grâce à Grégoire IX, qui y résidait alors (au moment de la canonisation de saint François).

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