CHAPITRE 9
COMMENT IL PRÉDIT A UNE FEMME LA CONVERSION DE SON MARI.
- L’homme de Dieu s’en allait un jour au couvent des Celles de Cortone ; une dame noble de Volusiano l’apprit et accourut pour le voir. Après un voyage d’autant plus fatigant qu’elle était de santé fragile et peu résistante, elle joignit enfin le saint. La voyant lasse et à bout de souffle, le Père eut pitié d’elle et lui dit :
« Que désirez-vous, madame ?
– Père, votre bénédiction.
– Vous êtes mariée ?
– J’ai un mari très dur qui m’empêche de servir le Christ, et mon plus grand chagrin est de ne pouvoir, à cause de lui, mettre à exécution les élans de générosité que Dieu m’inspire. C’est pourquoi je vous demande de prier pour que Dieu, dans sa bonté, l’amène à plus de docilité. »
Le Père admira le courage de cette femme, la maturité de cette enfant et, touché de compassion, lui dit :
« Vous êtes bénie, ma fille ; retournez et sachez que votre mari fera bientôt votre consolation. Dites-lui de la part de Dieu et de la mienne que c’est maintenant le temps de faire son salut, mais que plus tard ce sera celui d’être jugé. »
Et il la bénit.
Elle revint chez elle, retrouva son mari et lui transmit le message. L’Esprit-Saint alors s’empara de lui et transforma si bien le vieil homme en homme nouveau qu’il répondit avec douceur : « Eh bien, madame, servons le Seigneur dans notre maison[1] et sauvons nos âmes !
– Il me semble, lui dit-elle, que nous devrions faire de la chasteté le fondement spirituel sur lequel s’élèveront les autres vertus.
– C’est aussi mon désir, puisque c’est le vôtre. »
A partir de ce jour et durant plusieurs années tous deux pratiquèrent la chasteté et s’en furent tous deux le même jour vers le Seigneur, l’un comme holocauste du matin, l’autre comme sacrifice du soir.
Heureuse femme qui put ainsi fléchir son seigneur et le mener à la Vie. En elle est accomplie la parole de l’Apôtre : le mari non-chrétien est sauvé par une femme ayant la foi[2]. Mais de telles femmes aujourd’hui on peut, comme on dit, les compter sur les doigts.
[1] « Dans notre maison » : c’est la formule classique, à cette époque, pour désigner l’état de vie des pénitents, donc aussi des tertiaires, par opposition aux moines et aux frères qui servent le Seigneur dans des monastères ou des couvents, après avoir abandonné famille, profession et domicile.
– Certains pensent que le couple dont il est ici question est celui de Lucchesio et de Bonadonna.