VITA SECUNDA 9

CHAPITRE 5

 

COMMENT, TANDIS QU’IL PRIAIT, LE DIABLE LUI MONTRAIT UNE FEMME, CE QUE DIEU LUI RÉPONDIT. FRANÇOIS ET LES LÉPREUX.

 

  1. Sous l’habit séculier, François avait déjà l’âme d’un religieux. Il quittait bien souvent les endroits fréquentés[1] afin de se retrouver seul ; il recevait alors la visite et les instructions de l’Esprit-Saint dont la douceur suprême, qui l’envahit dès le début de sa conversion, fit ses délices jusqu’à la fin de sa vie.

Mais s’il cherchait des retraites favorables au recueillement, le diable, lui, venait l’en distraire par ses maudites élucubrations. Il venait lui évoquer le souvenir d’une affreuse bossue habitant Assise qui faisait fuir tout le monde ; il le menaçait de la même difformité s’il ne revenait pas de ses projets. Mais François fut réconforté par le Seigneur, et il eut la joie de recevoir des paroles de salut et de grâce en réponse à ses frayeurs : « Ce que tu aimes encore de façon charnelle et vaine, lui dit Dieu, remplace-le par des valeurs spirituelles, apprends à te mépriser toi-même, à préférer l’amertume à la douceur si tu veux me connaître. C’est une fois transformé que tu comprendras la vérité de mes paroles. »

Voici de quelle manière il fut amené sans tarder à obéir aux ordres divins, et à faire l’essai de ce qui lui était proposé : de toutes les misères et infirmités, c’était la lèpre que François avait naturellement en horreur le plus au monde. Or, un jour qu’il se promenait à cheval aux environs d’Assise, voici qu’il rencontra un lépreux. Malgré son immense dégoût et l’horreur qu’il éprouvait, il ne voulut ni transgresser l’ordre reçu ni violer son serment, car il avait donné sa foi : il sauta de cheval et s’approcha pour embrasser le malheureux. Celui-ci, qui tendait la main pour une aumône, reçut avec l’argent un baiser. François remonta en selle, mais il eut beau, ensuite, regarder de tous côtés – aucun accident de terrain ne gênait pourtant la vue – il ne vit plus le lépreux.

Plein d’admiration et de joie, il renouvela peu après son geste : il visita l’hôpital des lépreux, distribua de l’argent à chacun d’eux et leur baisa la main et la bouche. Voilà comment il préféra l’amertume à la douceur et, vaillamment, se prépara aux exigences qui allaient suivre.

Table des chapitres

[1] A cette époque comme actuellement encore, toute la cité se retrouve, au coucher du soleil, sur la piazza, le salon de la commune. Une absence est vite remarquée et considérée comme un manque de courtoisie.

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