La folle joie
CHAPITRE 93
CONTRE L’HYPOCRISIE ET LA VANITÉ.
130. Mais s’il se livrait à la joie spirituelle, il évitait soigneusement la folle joie, car il savait qu’on doit mettre autant de vigilance à éviter ce qui peut nuire, que de ferveur dans la recherche de ce qui nous porte au progrès. Il tâchait d’étouffer jusqu’au germe de la vanité : il n’admettait pas qu’on laissât vivre un seul instant ce qui pouvait causer quelque déplaisir à son Seigneur. Sous l’avalanche des compliments, on le voyait gémir, et l’enthousiasme alors cédait la place à la tristesse.
Une fois, durant l’hiver, le saint n’était vêtu que d’une seule tunique doublée vaille que vaille1 ; Son gardien, qui était l’un de ses compagnons, se procura une peau de renard et la lui donna en disant : « Père, tu es malade de la rate et de l’estomac ; je t’en supplie au nom du Seigneur, laisse coudre cette fourrure à l’intérieur de ta tunique, au moins sur l’estomac si tu ne la veux pas tout entière.
– Si tu veux que je porte cette fourrure sous ma tunique, répondit le bienheureux François, fais-en coudre une autre de même taille à l’extérieur, afin qu’elle soit le signe visible de celle que je porterai cachée. » Le frère n’approuve pas ; il insiste mais n’obtient rien de plus ; finalement, il lui fallut passer par là : on fit coudre deux fourrures : une à l’endroit, l’autre à l’envers ; ainsi l’aspect extérieur de François ne donnerait pas le change.
Quelle belle unité de vie ! Identique à toi-même dans tes paroles et dans tes actes, au dehors comme au dedans, comme sujet aussi bien que comme supérieur, tu ne recherchais la célébrité ni chez les étrangers ni parmi tes frères, mais si tu te glorifiais, c’était toujours dans le Seigneur2.
Vous qui portez pelisse, ne vous fâchez pas si je vous signale que cette peau en remplace une autre, je veux dire la tunique de l’innocence : car c’est après avoir perdu cette dernière qu’Adam et Eve eurent besoin de tuniques de peau3.
2 1 Co 1 31.
3 Gn 3 21.