LÉGENDE DE PÉROUSE 90

LES BRIGANDS CONVERTIS

  1. Dans un ermitage des frères situé au-dessus de Borgo San Sepolcro, des brigands venaient de temps en temps demander du pain aux frères ; ordinairement cachés dans les grands bois dont le pays est couvert, ils en sortaient parfois pour détrousser les voyageurs dans la plaine ou sur les routes. Certains frères disaient: « C’est mal de leur faire l’aumône, car ce sont des brigands qui font souffrir aux gens toutes sortes de maux », D’autres, considérant qu’ils mendiaient avec humilité et que c’était la nécessité qui les y poussait, leur donnaient parfois, tout en les pressant tou­jours de se convertir à la pénitence.

Sur ces entrefaites, le bienheureux François vint à l’ermitage. Et comme les frères lui demandaient s’ils devaient ou non donner du pain aux brigands, il répondit : « Si vous faites ce que je vais vous dire, j’ai confiance dans le Seigneur que vous gagnerez leurs âmes. Allez vous procurer du bon pain et du bon vin, portez-les dans le maquis où vous savez que ces hommes se tiennent, et criez : « Venez, frères brigands ! Nous sommes des frères, et nous vous apportons du bon pain et du bon vin ! » Aussitôt ils accourront. Alors vous étendrez à terre une nappe[1], vous y placerez le pain et le vin, et vous les servirez avec humilité et bonne humeur. Pendant et après le repas, vous leur proposerez les paroles du Seigneur ; puis vous leur adresserez, pour l’amour de Dieu, cette première prière : qu’ils vous promettent de ne frapper aucun homme et de ne faire de mal à personne. Ce n’est qu’un début : ne demandez pas tout à la fois, ils ne vous écouteraient pas. Les brigands vous le promettront à cause de l’humilité et de la charité que vous leur aurez témoignées. Un autre jour, pour la bonne promesse qu’ils vous auront faite, vous leur porterez, outre le pain et le vin, des œufs et des fromages, et vous les servirez comme précédemment. Après le repas, vous leur direz : « Pourquoi rester ici toute la journée, à mourir de faim, à tant souffrir, à faire tant de mal en désir et en acte ? Vous perdrez vos âmes si vous ne vous convertissez au Seigneur. Il vaudrait bien mieux pour vous que vous serviez Dieu, qui vous donnera en ce monde ce dont vos corps ont besoin, et qui, à la fin, sauvera vos âmes. » Et le Seigneur, dans sa bonté, leur inspirera de se convertir, à cause de l’humilité et de la charité que vous leur aurez témoignées. »

Les frères se levèrent donc et firent tout ce que leur avait conseillé le bienheureux François. Les brigands, par la miséricorde et la grâce de Dieu, écoutèrent et accomplirent point par point les demandes des frères. Bien plus, touchés par leur charité et leur affabilité, ils leur portaient sur leur dos du bois à l’ermitage. Ainsi, par la miséricorde de Dieu et grâce à la charité et à la bonté que leur avaient témoignées les frères, les uns entrèrent dans l’Ordre, les autres se convertirent à la pénitence[2] et firent promesse entre les mains des frères de ne plus commettre de mal à l’avenir, mais de vivre du travail de leurs mains. Les frères de l’ermitage et ceux qui apprirent la nouvelle furent remplis d’admiration en considérant la sainteté du bienheureux François et la rapide conversion, prédite par lui, de ces hommes sans foi ni loi.

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[1] Luxe que saint François lui-même avait reproché à ses frères un jour de Pâques ou de Noël : §§ 32-33.

[2] Serait-ce ici encore la formule indiquant l’entrée dans le «  Tiers-Ordre » ?

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