LA RÈGLE DE SAINTE CLAIRE

Sainte Claire est morte le 11 août 1253. Deux jours auparavant, elle avait reçu du pape Innocent IV l’approbation de la Règle de son Ordre.

Le texte de cette Règle est l’aboutissement de quarante ans d’expérience de vie religieuse. Que d’événements, que d’approfondissements entre la vêture de la Fondatrice et la structuration de son Ordre ! Comme pour le Premier Ordre, la législation des Sœurs pauvres s’est affinée et enrichie des apports de la vie fraternelle au fil des ans.

Ce texte est aussi l’aboutissement de quarante ans de luttes pour un idéal de vie évangélique. Cet idéal était vraiment révolutionnaire pour l’époque, et Claire dut batailler sur de nombreux points pour le faire triompher, en particulier pour la pauvreté, et pour le rattachement au  Premier Ordre et à la spiritualité franciscaine. Rome lui avait imposé successivement plusieurs textes qui ne la satisfaisaient pas ; elle rédigea elle-même une Règle ; elle la présenta au cardinal Raynald qui l’approuva en 1252, puis au pape Innocent IV venu en personne lui rendre visite et qui l’approuva à son tour.

(Le texte de cette Règle, contenu dans le Bulle d’approbation, est un texte continu ; la division en douze chapitres est plus tardive, mais elle est devenue traditionnelle, et c’est pourquoi nous la maintenons ici).

1. AU NOM DU SEIGNEUR. ICI COMMENCE LA RÈGLE DE VIE DES PAUVRES SŒURS

1 La forme de vie de l’Ordre des pauvres Sœurs, fondé par saint François, est celle-ci :

2 Observer le saint Évangile, en vivant dans l’obéissance, sans aucun bien propre, et dans la chasteté.

3 Claire, indigne servante du Christ, et première petite plante du bienheureux Père François, promet obéissance et respect au seigneur Pape Innocent et à ses successeurs canoniquement élus, et à l’Église romaine.

4 Et de même que, dès le début de sa conversion, elle a, en même temps que ses sœurs, promis obéissance au bienheureux François, de même elle promet d’observer une même inviolable soumission à ses successeurs.

5 Que les autres sœurs soient aussi tenues d’obéir aux successeurs du bienheureux François, à sœur Claire, et aux autres abbesses canoniquement élues qui lui succéderont.

2. DE L’ADMISSION DES SŒURS AU MONASTÈRE

1 Si une femme, par l’inspiration de Dieu, veut embrasser cette vie et vient à nous, l’abbesse sera tenue de demander le consentement de toutes les sœurs ; si la majorité y consent, et si le Cardinal protecteur en donne la permission, la candidate pourra être reçue.

2 Si l’abbesse juge bon de la recevoir, elle l’examinera soigneusement, ou la fera examiner, sur la foi catholique et sur les sacrements de l’Église.

3 Si la postulante croit en l’Église catholique et aux sacrements ; si elle est décidée à confesser cette foi et à la pratiquer fermement jusqu’à sa mort ; et si elle n’est pas mariée, ou bien si son mari est déjà entré dans un Ordre avec la permission de son évêque et a déjà prononcé le vœu de chasteté ; si enfin elle n’est ni trop vieille ni trop malade ni trop simple d’esprit pour mener notre vie ; alors qu’on lui expose soigneusement la teneur de notre vie.

4 Si elle est capable de cette vocation, qu’on lui dise la parole du saint Évangile : qu’elle aille, vende tous ses biens, et en distribuer aux pauvres le produit  ; si elle ne peut le faire, la bonne volonté lui suffit.

5 Que l’abbesse et ses sœurs se gardent bien de se mêler des affaires temporelles d’une postulante : qu’elles la laissent disposer de ses biens, selon que le Seigneur lui inspirera. Cependant, si elle demande conseil, on pourra l’envoyer à quelques personnes discrètes et craignant Dieu, d’après l’avis desquelles elle puisse distribuer ses biens aux pauvres.

6 On lui coupera ensuite les cheveux en rond, elle quittera ses vêtements séculiers et on lui donnera trois tuniques et un manteau.

7 Il ne lui sera plus permis ensuite de sortir du monastère sans motif utile, raisonnable, manifeste et approuvé.

8 Après une année de noviciat, elle sera reçue à l’obéissance : elle promettra d’observer toujours notre vie et notre forme de pauvreté.

9 Aucune ne pourra recevoir le voile pendant le noviciat.

10 Les sœurs pourront aussi porter un scapulaire pour la commodité et la propreté dans le service et le travail.

11 Que l’abbesse veille à pourvoir chacune de vêtements selon les tempéraments des sœurs, selon les lieux, les saisons, les régions froides, dans la mesure où cela paraîtra nécessaire.

12 Les jeunes filles reçues au monastère avant d’avoir l’âge requis, auront aussi les cheveux coupés en rond ; elles quitteront les vêtements séculiers et porteront l’habit religieux si l’abbesse le juge à propos.

13 Arrivées à l’âge requis, elles feront profession comme les autres.

14 Ces jeunes postulantes, ainsi que les autres novices, seront confiées par l’Abbesse à une Maîtresse choisie parmi les plus discrètes de tout le monastère pour les former avec soin à une vie sainte et une conduite irréprochable selon la forme de notre profession.

15 On observera aussi les prescriptions ci-dessus pour l’admission et l’examen des sœurs qui servent hors du monastère.

16 Ces dernières pourront porter des chaussures.

17 Aucune femme ne pourra séjourner au monastère si elle n’a pas été admise selon la forme de notre profession.

18 Et pour l’amour de l’Enfant très saint et bien-aimé, entouré de pauvres langes et couché dans une crèche, et pour l’amour de sa très sainte Mère, je supplie mes sœurs et je les y exhorte, de porter toujours des vêtements grossiers.

3. DE L’OFFICE DIVIN ; DU JEÛNE ; DE LA CONFESSION ET DE LA COMMUNION

1 Les sœurs qui savent lire réciteront l’Office divin selon l’usage des Frères Mineurs. Elles pourront donc avoir des bréviaires. L’Office sera récité, et non chanté.

2 Et si pour une cause raisonnable elles ne peuvent dire l’Office, elles pourront comme les autres sœurs, réciter les Pater Noster.

3 Les sœurs qui ne savent pas lire diront vingt-quatre Pater Noster pour Matines, cinq pour Laudes, sept pour chacune des petites Heures : Prime, Tierce, Sexte et None ; douze pour Vêpres ; sept pour Complies.

4-5 Pour les défunts, elles diront aussi, à Vêpres, sept Pater Noster suivis du Requiem aeternam, et à Matines douze, les jours où les sœurs qui savent lire sont tenues de réciter l’Office des Morts.

6 Lorsque l’une des sœurs viendra à mourir, les autres diront pour elle cinquante Pater Noster.

7 Les sœurs jeûneront en tout temps.

8 A Noël pourtant, elles pourront prendre deux repas quel que soit le jour de la semaine.

9 Les toutes jeunes sœurs, celles qui sont faibles et celles qui servent hors du monastère pourront, au jugement de l’abbesse, être dispensées du jeûne.

10 En cas de nécessité manifeste, les sœurs ne seront pas tenues au jeûne corporel.

11 Qu’elles se confessent au moins douze fois dans l’année avec la permission de l’abbesse.

12 Qu’elles prennent bien garde alors de ne parler que de ce qui regarde la confession et le salut de leur âme.

13 Qu’elles communient sept fois : à Noël, le Jeudi-Saint, à Pâques, à la Pentecôte à l’Assomption, à la Saint-François, et à la Toussaint.

14 Pour donner la communion aux sœurs valides comme aux malades, l’aumônier pourra célébrer la Messe à l’intérieur de la clôture.

4. DE L’ÉLECTION ET DES FONCTIONS DE L’ABBESSE, DU CHAPITRE, DES DIFFÉRENTES CHARGES ET DU DISCRÉTOIRE

1 Pour l’élection d’une abbesse, les sœurs sont tenues d’observer la forme canonique.

2 Qu’elles tâchent d’obtenir la présence du Ministre général de l’Ordre des Frères Mineurs ou du Ministre provincial, qui, dans une instruction, les disposera à la concorde parfaite et à l’utilité commune dans l’élection à venir.

3 On ne pourra élire qu’une sœur professe. Si une sœur non professe est élue ou imposée d’une autre façon, on ne lui obéira qu’à partir du moment où elle aura fait profession d’observer la forme de notre pauvreté.

4 A la mort de l’abbesse, qu’on en élise une autre.

5 Mais s’il apparaît un jour à l’unanimité des sœurs que l’abbesse n’est plus capable de s’employer au service des sœurs et à l’utilité commune, alors que les sœurs soient tenues, selon ce qui a été indiqué, d’en élire une autre pour abbesse et mère, et cela le plus rapidement possible.

6 Que celle qui est élue pense à la grandeur de la charge qu’elle a reçue et à Celui auquel elle devra rendre compte du troupeau qui lui a été confié.

7 Qu’elle s’applique à être la première par ses vertus et par une sainte conduite plutôt que par sa charge, en sorte que les sœurs, provoquées par son exemple, lui obéissent par amour plus que par crainte.

8 Elle évitera toute affection particulière, de peur que ce qu’elle donne à quelques-unes en affection ne finisse par tourner en scandale pour toutes.

9 Qu’elle console les affligées. Qu’elle soit le dernier recours de celles qui sont tentées, pour que les sœurs fragiles ne succombent pas au mal du désespoir, faute d’avoir trouvé en elle le remède.

10 Qu’elle observe elle-même en toutes choses la vie commune, surtout au chœur, au dortoir, au réfectoire, à l’infirmerie et pour tous les vêtements ; que la sœur vicaire soit tenue de l’observer aussi.

11 Une fois par semaine au moins, l’abbesse est tenue d’assembler ses sœurs en chapitre.

12 Elle doit y avouer humblement, comme les autres sœurs, toutes ses fautes et négligences publiques contre la vie commune.

13 Elle doit aussi y traiter de tout ce qui regarde l’utilité et le bien du monastère et cela avec toutes les sœurs, car souvent c’est à la plus petite que le Seigneur révèle ce qu’il y a de mieux à faire.

14 On ne pourra pas contracter de dette importante, sauf avec le consentement commun des sœurs et pour une nécessité manifeste ; on le fera toujours par un intermédiaire.

15 Que l’abbesse et les sœurs se gardent bien de recevoir quoi que ce soit en dépôt au monastère car c’est là souvent une cause de troubles et de scandales.

16 Pour conserver l’union de l’amour mutuel et de la paix, les sœurs qui doivent recevoir une charge dans le monastère seront élues du commun consentement de toutes les sœurs.

17 De même on élira au moins huit sœurs parmi les plus discrètes, dont l’abbesse sera tenue de prendre l’avis pour tout ce que requiert la forme de notre vie.

18 Les sœurs peuvent, et elles le doivent si elles le jugent utile et à propos, retirer à celles qu’elles auront élues leur charge de responsables ou de discrètes, et en élire d’autres à leur place.

5. DU SILENCE ; DU PARLOIR ET DE LA GRILLE

1 De Complies jusqu’à Tierce, les sœurs sont tenues au silence, sauf celles qui servent hors du monastère.

2 On se taira toujours aussi au chœur, au dortoir ; au réfectoire durant les repas.

3 Mais à l’infirmerie il sera toujours permis aux sœurs de parler avec discrétion pour la récréation et le service des malades.

4 Qu’elles puissent aussi toujours et partout, mais brièvement, se communiquer ce qui sera nécessaire.

5 Les sœurs ne pourront aller au parloir ou à la grille sans la permission de l’abbesse ou de sa vicaire.

6 Celles qui auront obtenu cette permission ne l’utiliseront qu’en compagnie de deux autres sœurs qui puissent les voir et les entendre.

7 Qu’elles ne prennent pas la liberté de se rendre à la grille sans la compagnie de trois sœurs au moins, choisies parmi les huit discrètes par l’abbesse ou sa vicaire.

8 L’abbesse et la vicaire sont tenues d’observer la même règle.

9 Qu’on aille très rarement parler à la grille ; à la porte jamais.

10 A la grille on apposera, du côté intérieur, un rideau d’étoffe qui ne sera relevé que lorsqu’un prêtre vient prêcher la parole de Dieu ou lorsque deux personnes doivent s’y parler.

11 La grille comportera aussi une porte en bois munie de deux serrures différentes en fer, de gonds et de fléaux ; elle sera, surtout la nuit, fermée avec les deux clefs dont l’une sera conservée par l’abbesse et l’autre par la sacristine ; elle sera toujours fermée, sauf pour assister aux cérémonies ou pour une des autres causes mentionnées plus haut.

12 Aucune sœur, sous aucun prétexte, ne doit parler à la grille à qui que ce soit avant le lever ou après le coucher du soleil.

13 Au parloir, le rideau ne sera jamais ôté et restera toujours suspendu du côté intérieur.

14 Durant le carême de la Saint-Martin et le Grand Carême, personne n’ira au parloir si ce n’est pour parler à un prêtre en confession ou pour une nécessité manifeste ; la permission est laissée au jugement de l’abbesse ou de sa vicaire.

6. LES PROMESSES DU BIENHEUREUX FRANÇOIS ET LA RENONCIATION À TOUTE PROPRIÉTÉ

1 Après que le très haut Père céleste eut daigné par sa grâce illuminer mon cœur et me montrer que je devais faire pénitence, à l’exemple et selon la doctrine de notre bienheureux Père saint François, peu de temps après sa conversion je lui promis avec mes sœurs volontairement obéissance.

2 Et le bienheureux, voyant que nous n’avions peur ni de la pauvreté ni du travail ni de la tribulation ni de la vie humble ni du mépris du monde, mais que nous y trouvions au contraire notre plus grande joie, alors, dans son affection pour nous, il nous écrivit une forme de vie en ces termes : « Puisque, par inspiration divine, vous avez voulu devenir filles et servantes du très haut et souverain Roi, le Père des Cieux, et puisque vous vous êtes données comme épouses à l’Esprit Saint en choisissant de vivre selon la perfection du saint Évangile, je veux, et j’en fais la promesse, avoir toujours, par moi et par mes frères, pour vous comme pour eux, un soin attentif et une sollicitude spéciale. » Tant qu’il a vécu, il a été fidèle à sa promesse, et il a voulu que ses frères y soient toujours fidèles, eux aussi.

3 Et pour nous empêcher de dévier de la voie de la très sainte pauvreté sur laquelle nous nous étions engagées, nous et celles qui viendront après nous, il nous écrivit une fois encore sa dernière volonté, peu de temps avant sa mort, en ces termes : « Moi, le petit frère François, je veux suivre la vie et la pauvreté de notre très haut Seigneur Jésus-Christ et de sa très sainte Mère, et jusqu’à la mort je veux persévérer dans cette voie. Je vous prie, vous, mes Dames, et je vous conseille de vivre toujours dans cette très sainte vie et pauvreté. Gardez-vous bien de vous en éloigner jamais en aucune manière ; n’acceptez sur ce point ni doctrine ni conseil de personne. »

4 De même donc que mes sœurs et moi avons toujours eu soin d’observer la sainte pauvreté que nous avons promise au Seigneur Dieu et au bienheureux François, ainsi les abbesses qui me succéderont et toutes les sœurs seront tenues de l’observer inviolablement jusqu’à la fin.

5 C’est-à-dire qu’elles sont tenues de n’avoir et de ne recevoir aucune possession ni propriété, par elles-mêmes ni par personne interposée, ni même quoi que ce soit qui puisse être appelé une propriété.

6 Exception est faite pour la surface de terrain nécessaire au bien et à l’isolement du monastère et ce terrain ne sera travaillé que pour fournir les légumes et fruits nécessaires aux sœurs.

7. DU TRAVAIL ET DES AUMÔNES

1 Les sœurs auxquelles le Seigneur a donné la grâce de travailler s’occuperont après Tierce à un travail qui convient à notre état et qui fasse vivre la communauté ; et ceci avec fidélité et dévotion.

2 Ainsi, une fois écartée l’oisiveté, ennemie de l’âme, elles n’éteindront pas l’esprit de prière et de dévotion auxquelles doivent être subordonnées les autres choses temporelles.

3 L’abbesse ou sa vicaire sera tenue d’assigner à chacune, en chapitre, la part de travail manuel qui lui revient.

4 On procédera de la même façon, en chapitre, pour les aumônes envoyées par les gens pour les besoins des sœurs, afin que toute la communauté prie pour eux.

5 Toutes ces aumônes seront distribuées, pour l’utilité commune, par l’abbesse ou sa vicaire, après avis des Discrètes.

==8. DE LA MENDICITÉ ÉVANGÉLIQUE ; DE LA PAUVRETÉ DE CHACUNE, ET DES SŒURS MALADES==

1 Les sœurs ne doivent rien s’approprier, ni maison, ni lieu, ni quoi que ce soit, mais, pèlerines et étrangères en ce siècle, servant le Seigneur dans la pauvreté et l’humilité, qu’elles envoient mendier pour elles avec confiance.

2 Et il ne faut pas qu’elles aient honte, car le Seigneur pour nous s’est fait pauvre en ce monde. Telle est la grandeur de la très haute pauvreté qui vous a établies, mes très chères sœurs, héritières et reines du royaume des cieux, vous a rendues pauvres en biens terrestres, mais riches en vertus. Que ce soit là votre partage, elle qui conduit dans la terre des vivants ; à elle attachées totalement, sœurs bien-aimées, ayez la ferme volonté de ne jamais posséder rien d’autre sous le ciel, pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ et de sa très sainte Mère.

3 Il n’est permis à aucune sœur d’envoyer des lettres ou d’en recevoir, ou de donner quoi que ce soit hors du monastère sans la permission de l’abbesse.

4 Elle ne pourra non plus garder que ce que l’abbesse lui aura donné ou permis de garder.

5 Si quelque chose lui est envoyé par sa famille ou par d’autres, c’est l’abbesse qui le lui transmettra. La sœur en disposera pour elle si elle en a besoin ; sinon elle en fera charitablement profiter une autre sœur dans le besoin.

6 Mais si de l’argent est envoyé, c’est l’abbesse qui, après avis des Discrètes, en disposera elle-même pour les besoins de la sœur.

7 Quant aux sœurs malades, tant pour les conseils que pour la nourriture et tout ce que requiert leur maladie, l’abbesse est fermement tenue de s’enquérir par elle-même et par les autres sœurs, et d’y pourvoir avec charité et de grand cœur selon les possibilités du monastère.

8 Toutes sont tenues de pourvoir du nécessaire leurs sœurs malades et de les servir comme elles voudraient elles-mêmes être servies si elles étaient frappées à leur tour par la maladie.

9 Qu’en toute sécurité elles s’ouvrent l’une à l’autre de leurs besoins. Et si une mère chérit et nourrit sa fille selon la chair, combien plus chacune ne doit-elle pas chérir et nourrir sa sœur selon l’esprit !

10 Les malades pourront coucher sur des paillasses et avoir sous la tête un oreiller de plume. Celles qui ont besoin de bas de laine ou de couvertures pourront en user.

11 Lorsque les malades reçoivent la visite de ceux qui ont le droit d’entrer au monastère elles peuvent répondre quelques mots édifiants à ceux qui viennent leur parler.

12 Mais les autres sœurs, qui ne sont pas malades, ne prendront la liberté de parler à ces personnes qui entrent dans le monastère que si elles en ont obtenu la permission, et en présence de deux Discrètes pouvant les entendre, désignées par l’abbesse ou sa vicaire.

13 Pour ces entretiens, la même forme doit être observée par l’abbesse et par sa vicaire.

9. DE LA PÉNITENCE À IMPOSER AUX SŒURS, ET DES SŒURS QUI SERVENT HORS DU MONASTÈRE

1 Si une sœur, à l’instigation de l’ennemi, pèche mortellement contre la forme de notre profession, et si elle ne se corrige pas après avoir été avertie deux ou trois fois par l’abbesse ou par les autres sœurs, elle recevra comme pénitence de jeûner au pain et à l’eau, par terre, au réfectoire devant toutes les sœurs, autant de jours qu’elle aura été rebelle à toute admonition ; elle pourra être punie encore plus sévèrement si l’abbesse le juge opportun.

2 Tant qu’elle résiste, on priera le Seigneur d’éclairer son cœur pour l’amener à la pénitence.

3 L’abbesse et toutes les sœurs doivent bien prendre garde de s’irriter ou de se troubler à cause du péché de l’une d’elles, car la colère et le trouble sont un obstacle à la charité en soi et dans les autres.

4 S’il arrivait, ce qu’à Dieu ne plaise, qu’entre deux sœurs une parole ou un geste donnât occasion de trouble ou de scandale, que celle qui a suscité la cause de ce trouble s’en aille aussitôt, avant même de présenter à Dieu l’hommage de sa prière, se prosterner humblement aux pieds de sa compagne pour lui demander pardon et la supplier d’intercéder pour elle auprès du Seigneur afin qu’elle obtienne le pardon.

5 Quant à l’offensée, qu’elle se souvienne de la parole du Seigneur : « Si vous ne pardonnez pas du fond du cœur, notre Père céleste ne vous pardonnera pas non plus  ! » et qu’elle oublie de grand cœur ce que sa sœur lui a fait.

6 Les sœurs qui servent hors du monastère ne doivent pas s’absenter trop longtemps sans raison de nécessité manifeste.

7 Elles doivent aller modestement et parler peu, afin de toujours édifier ceux qui les voient.

8 Qu’elles prennent bien garde de ne jamais avoir de relations ni de conversations suspectes avec des hommes.

9 Elles ne pourront être marraines d’hommes ni de femmes de peur que naisse à cette occasion le murmure ou le scandale.

10 Et qu’elles n’osent jamais rapporter au monastère ce que l’on raconte dans le monde.

11 Elles sont aussi fermement tenues de ne rien aller rapporter à l’extérieur de ce qui se dit ou se fait à l’intérieur du monastère et qui pourrait causer du scandale.

12 Si une sœur manque une fois en passant à l’un de ces deux points, la pénitence à lui infliger est laissée au jugement et à la miséricorde de l’abbesse ; mais si cela devient chez elle une habitude, que l’abbesse, avec l’avis des Discrètes, lui inflige une pénitence en rapport avec la gravité de la faute.

10. DE L’ADMONITION ET DE LA CORRECTION DES SŒURS

1 Que l’abbesse visite et avertisse ses sœurs ; qu’elle les corrige avec humilité et charité, ne leur commandant rien qui soit contre leur conscience et la forme de notre profession.

2 Quant aux sœurs qui lui sont soumises, elles se rappelleront que pour Dieu elles ont fait abnégation de leur volonté propre. Elles sont donc fermement tenues d’obéir à leurs abbesses en tout ce qu’elles ont promis au Seigneur d’observer et qui n’est contraire ni à leur âme ni à notre profession.

3 Que l’abbesse, de son côté, ait envers elles une telle familiarité que les sœurs puissent parler et agir avec elle comme des maîtresses avec leur servante. Car il doit en être ainsi : l’abbesse est la servante de toutes les sœurs.

4 En outre, j’avertis les sœurs et je les exhorte en notre Seigneur Jésus-Christ, de se garder de tout orgueil, de vaine gloire, de l’envie, de l’avarice, du soin et de la sollicitude de ce monde, de la détraction et du murmure, de la discorde et de la division.

5 Qu’elles soient au contraire toujours attentives à garder entre elles l’unité de l’amour mutuel, qui est le lien de la perfection .

6 Que celles qui ne savent pas lire ne se mettent pas en peine de l’apprendre.

7 Mais qu’elles considèrent que, par-dessus tout, elles doivent désirer posséder l’esprit du Seigneur et sa sainte opération, prier toujours Dieu d’un cœur pur, avoir l’humilité et la patience dans l’épreuve et la maladie, aimer ceux qui nous persécutent, nous reprennent et nous contredisent, car le Seigneur dit : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux est à eux et celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé . »

11. DE LA CLÔTURE

1 Que la portière ait une conduite mûre et discrète, qu’elle soit d’âge convenable ;qu’elle réside pendant le jour dans une cellule ouverte et sans porte.

2 On lui adjoindra une compagne capable de la suppléer en tout lorsque cela sera nécessaire.

3 La porte sera solidement munie de deux serrures différentes en fer, de gonds et de fléaux ;

4 elle sera, durant la nuit, fermée avec les deux clefs dont l’une sera conservée par l’abbesse et l’autre par la portière ;

5 pendant la journée, on ne la laissera jamais sans garde et elle sera fermée par l’une des deux serrures.

6 Qu’on prenne bien soin et qu’on fasse bien attention à ne jamais laisser la porte ouverte, sauf si l’on ne peut raisonnablement faire autrement.

7 Qu’on ne l’ouvre jamais à qui désire entrer, sinon à qui en a reçu la permission du Souverain Pontife ou de notre Cardinal Protecteur.

8 On ne pourra pas entrer au monastère avant le lever du soleil ni après son coucher, sauf en cas de besoin évident, raisonnable et inévitable.

9 Si pour la bénédiction d’une abbesse ou pour la profession d’une sœur ou pour toute autre cause un évêque obtient la permission de célébrer la messe à l’intérieur de la clôture, qu’il se contente du plus petit nombre possible de compagnons et de servants, et des plus vertueux.

10 Si l’on doit laisser entrer des ouvriers au monastère pour entreprendre un travail quelconque, l’abbesse prendra soin de désigner la plus indiquée pour leur ouvrir la porte et ne laisser entrer que les ouvriers engagés pour le travail prévu, à l’exclusion de toute autre personne.

11 Les sœurs veilleront, à cette occasion, à ne pas être vues par ceux qui entrent.

==12. DU VISITEUR ; DE L’AUMÔNIER ET DE SES COMPAGNONS ; DU CARDINAL PROTECTEUR==

1 Notre visiteur doit toujours être un Frère Mineur, selon la volonté et l’ordre du seigneur Cardinal.

2 Qu’il soit un homme sur le comportement honorable duquel on ait toute garantie.

3 Sa tâche sera de corriger, aussi bien dans la tête que dans les membres, tous les abus commis contre la forme de notre profession.

4 Que, se tenant dans un endroit public à la vue de toutes, il puisse parler avec plusieurs sœurs à la fois ou avec une seule, de tout ce qui a trait à la visite, selon ce qui lui paraîtra le plus opportun.

5 C’est aussi à ce même Ordre des Frères Mineurs que nous demandons comme une grâce, au nom de la bonté de Dieu et de celle de saint François, de nous donner encore ce qu’il nous a toujours jusqu’ici procuré avec tant de bienveillance : un aumônier avec un compagnon clerc de bonne réputation, de discrétion éprouvée, et deux frères convers de sainte vie et de bonnes mœurs, pour nous aider dans notre pauvreté.

6 L’aumônier ne pourra, sans son compagnon, entrer au monastère.

7 Une fois entrés, ils se tiendront dans une pièce commune, de telle façon qu’ils puissent toujours se voir et être vus.

8 Pour confesser les malades qui ne peuvent se rendre au parloir, et pour leur donner la communion ou l’extrême-onction, ainsi que les prières des agonisants, il leur sera permis aussi d’entrer.

9 Pour un enterrement, pour une messe solennelle des défunts, pour creuser, rouvrir ou agrandir une tombe, le choix des personnes nécessaires est laissé à la prudence de l’abbesse.

10 De plus, que les sœurs soient toujours fermement tenues d’avoir pour gouverneur, protecteur et correcteur le cardinal de l’Église romaine désigné à cet effet par le seigneur Pape pour les Frères Mineurs,

11 afin que, toujours soumises et prosternées aux pieds de cette même sainte Église, stables dans la foi catholique, nous observions toujours la pauvreté et l’humilité de notre Seigneur Jésus-Christ et de sa très sainte Mère, ainsi que le saint Évangile que nous avons fermement promis.

 

Les Éditions Franciscaines de Paris autorisent l’École Franciscaine de Paris à reproduire intégralement les Écrits de François et de Claire, moyennant le rappel du Copyright.
traduction F. D. Vorreux, « Les Écrits de François et de Claire« , 6è ed. (1996)copyright, Éditions Franciscaines, Paris

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