FIORETTO 33

CHAPITRE 33

COMMENT SAINTE CLAIRE, PAR ORDRE DU PAPE, BÉNIT LE PAIN QUI ÉTAIT SUR LA TABLE, CE QUI FIT APPARAITRE SUR CHAQUE PAIN LE SIGNE DE LA SAINTE CROIX [1].

Sainte Claire, disciple très pieuse de la croix du Christ et noble plante de Messire saint François, était d’une telle sainteté que, non seulement les évêques et les cardinaux, mais même le pape désiraient avec grande affection la voir et l’entendre, et la visitaient souvent en personne.

Une fois entre autres, le Saint Père se rendit au monas­tère où elle était pour l’entendre parler des choses célestes et divines ; et comme ils étaient ainsi ensemble en divins entre­tiens, sainte Claire, pendant ce temps, fit préparer les tables et y poser le pain, pour que le Saint Père le bénît. Puis, l’entretien spirituel terminé, sainte Claire s’agenouille avec grand respect et le prie qu’il lui plaise de bénir le pain placé à table. Le Saint Père répond : « Sœur Claire très fidèle, je veux que ce soit toi qui bénisses ces pains et que sur eux tu fasses le signe de la croix du Christ, auquel tu t’es toute donnée. » Et sainte Claire dit : « Très Saint Père, pardonnez-moi, car je mériterais de trop grands reproches si, en présence du vicaire du Christ, moi qui ne suis qu’une vile petite femme, j’avais la présomption de donner une telle bénédiction. » Et le pape répond : « Pour que cela ne soit pas imputé à la présomption mais au mérite de la sainte obéissance, je t’ordonne, par la sainte obéissance, de faire sur ces pains le signe de croix et de les bénir au nom de Dieu. »

Alors sainte Claire, en vraie fille de l’obéissance, bénît très pieusement ces pains avec le signe de la croix. Chose admirable ! aussitôt apparut sur tous ces pains le signe de la croix parfaitement gravé. Et alors une partie de ces pains fut mangée et l’autre conservée à cause du miracle. Et le Saint Père, qui avait vu le miracle, prit de ce pain et partît rendant grâce à Dieu et laissant sainte Claire avec sa béné­diction.

En ce temps demeuraient dans ce monastère sœur Ortolana, mère de la sainte Claire, et sœur Agnès, sa sœur [2], toutes deux comme sainte Claire pleines de vertus et pleines de l’Esprit-Saint, et aussi beaucoup d’autres saintes moniales ; saint François, leur envoyait beaucoup de mala­des ; et elles, par leurs prières et par le signe de la croix, leur rendaient à tous la santé [3].

A la louange du Christ. Amen

Chapitre 34

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[1] Actus, 43 ; titre : Comment sainte Claire par ordre du seigneur pape, imprima miraculeusement une croix sur des pains. D’après la Chronique des XXIV Généraux, p. 274, ce pape serait Innocent IV, qui vint voir sainte Claire en 1253, peu de temps avant sa mort. Mais on pense plus généralement qu’il s’agit de Grégoire IX, qui fut à Assise en 1228 pour la canonisation de saint François, puis en 1235.

[2] On ignore la date à laquelle Ortolana suivit ses filles à Saint-Damien ; Wadding, Ann. Min., 1253, XXV, dit qu’elle prit le voile des mains de saint François ; mais il publie d’autre part un document notarié de 1238, ibid., 1238, XIV, qui donne les noms de cinquante religieuses de Saint­-Damien et ne comprend pas le sien ; quant à Agnès. en 1228 et en 1235, elle était abbesse du monastère de Monticelli, près de Florence, voir chap. 15, n. 5 et 6, mais elle revint à Assise en 1235.

[3] Cf. Legenda sanctae Clarae Virginis, 32-35 ; et Procès de canonisation de sainte Claire, dans AF 1920, p. 429 et suiv. Traduction française : J’ai connu madame sainte Claire, Paris 1961.

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