CHAPITRE IX
LORSQU’IL ENVOYA LES FRÈRES PAR TOUTE LA TERRE
40a. – Le chapitre terminé, il bénissait tous les frères présents et signalait à chacun la contrée à laquelle il le destinait. A ceux que l’Esprit du Seigneur et leur facilité de parole rendaient aptes à la prédication, fussent-ils clercs ou laïcs, il leur donnait licence et mission de prêcher. Quant aux frères, ils recevaient sa bénédiction avec une immense joie et une grande allégresse dans le Seigneur Jésus-Christ. Puis ils s’en allaient par le monde, comme des étrangers et des pèlerins[1], n’emportant rien sur les chemins si ce n’est les livres dont ils avaient besoin pour réciter leurs Heures[2].
40b. – Chaque fois qu’ils rencontraient un prêtre, pauvre ou riche, peu importait, ils s’inclinaient devant lui et le saluaient respectueusement, comme le leur avait recommandé le bienheureux François[3].
40c. – L’heure venue de chercher un gîte, ils demandaient plus volontiers l’hospitalité aux prêtres qu’aux laïcs.
41a. – Mais lorsqu’ils ne pouvaient la trouver chez un prêtre, ils s’informaient de quelqu’un de l’endroit qui fût bon chrétien et de bonne conduite et pût les héberger en tout bien tout honneur. D’ailleurs, il ne se passa guère de temps que le Seigneur n’inspirât à l’un ou l’autre de ses fidèles, dans chaque agglomération ou bourgade, de tenir un logement à la disposition des frères qui devaient passer par là. Plus tard, les frères eux-mêmes construisirent leurs propres résidences dans villes et villages.
41b. – Par un don du Seigneur, le langage et la mentalité des frères s’harmonisaient parfaitement avec ceux de leur temps : leur prédication frappait juste et touchait les cœurs de bien des auditeurs, plus encore des jeunes que des vieux. Abandonnant père et mère et tout ce qu’ils avaient, ils prenaient l’habit de notre saint Ordre pour marcher à la suite des frères. Et c’est dans notre Ordre, plus qu’en aucun autre à l’époque, qu’on vit se réaliser la parole du Seigneur dans l’Evangile : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais le glaive – je suis venu opposer le fils à son père et la fille à sa mère. »[4] Et ceux que les frères recevaient, ils les présentaient au bienheureux François pour qu’il leur donnât l’habit[5].
4lc. – De même, bien des femmes, jeunes filles ou autres qui n’étaient pas en puissance de mari, le cœur touché par la prédication des frères, venaient leur demander : « Et nous, que devons-nous faire ? Nous ne pouvons pas vous suivre ! Dites-nous donc comment faire notre salut. » Pour répondre à leur attente, en chaque ville où ils le purent, les frères fondèrent des monastères où elles se retiraient pour vivre en pénitence. On désigna même l’un des frères comme visiteur et correcteur de ces moniales.
41d. – Mais il y avait aussi des hommes mariés qui venaient dire aux frères : « Nous avons femme, et elles ne veulent pas entendre parler de séparation ! Montrez-nous donc un chemin que nous puissions prendre et qui nous mène au salut. » Les frères donc les regroupèrent en un Ordre qui porte le nom d’Ordre des Pénitents, et ils le firent approuver par le souverain pontife.
[1] 2 Reg 6/2 ; Test 24.
[2] Cf. 1 Reg 14/1, 3/7 ; 2 Reg 3/2.
[3] Cf. supra 37 e.
[4] Mt 10/34-35.
[5] Cf. 1 Reg 2/2,8 ; 2 Reg 2/1.