VITA SECUNDA 22

CHAPITRE 15

 

SAINT FRANÇOIS ET LA VERTU DE DISCERNEMENT.

  1. Une nuit que tous les autres dormaient, un frère se mit à crier : « Je meurs, frères, je meurs de faim ! » Séance tenante, le pasteur dévoué procure à sa brebis malade le remède approprié : il fait préparer un souper copieux et appétissant bien que fruste ; on n’avait pas de vin ; l’eau comme d’ordinaire en tint lieu. Il commença le premier à manger et pour que frère n’eût pas à en rougir, il invita tous les autres à la même charitable opération.

On prit ce repas en louant Dieu[1], puis, afin de ne manquer à aucun de ses devoirs de charité, le Père en tira, pour ses fils, une longue leçon sur la vertu de discernement. il leur prescrivit d’offrir toujours au Seigneur une offrande assaisonnée de sel[2] : chacun doit tenir compte de ses forces, dans le service de Dieu ; on pèche autant lorsqu’on refuse au corps ce qui lui est raisonnablement dû que lorsqu’on lui passe tout le superflu qu’il exige par gourmandise. « Si je viens de manger, ajoute-t-il, sachez que ce ne fut point par caprice mais par devoir[3] et parce que l’amour fraternel me l’ordonnait. Retenez de l’événement l’exemple de la charité, non point celui du repas, car celui-ci est pour le ventre, celle-là pour l’esprit. »

Table des chapitres

[1] Littéralement : dans la crainte de Dieu. La crainte est le terme biblique utilisé pour évoquer les marques de respect dues à Dieu et dont l’expression parfaite sont le culte et la louange.

[2] Lv 2 13 ordonne de saler les victimes des sacrifices ; et le sel est le Symbole de la sagesse.

[3] Dispensatione : administration, gestion domestique, charge de majordome ou de père de famille.

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