VITA SECUNDA 18-19

Sainte-Marie de la Portioncule

 

CHAPITRE 12

 

COMMENT LE SAINT AIMAIT CE COUVENT, COMMENT LES FRÈRES Y VIVAIENT. L’AMOUR QUE LA BIENHEUREUSE VIERGE PORTAIT A CE MÊME COUVENT.

  1. Le serviteur de Dieu, François, chétif d’apparence et désireux d’humilité, avait fait profession d’être « mineur » ; du monde, il ne voulut ici-bas pour lui et pour les siens qu’une petite parcelle[1] : on ne peut pas servir le Christ si l’on n’a usage de rien.

Ce n’est pas sans une prophétique inspiration de la sagesse divine que depuis longtemps[2] on appelait Portioncule ce lieu qui devait échoir à des hommes désireux de ne rien posséder au monde. Car une église était là, dédiée à la Vierge-Mère que son incomparable humilité place, après son Fils, à la tête de tous les saints ; et c’est dans cette église que prit naissance l’Ordre des Mineurs, c’est sur elle que repose, comme sur un solide fondement, toute l’architecture qui s’élève au fur et à mesure que se multiplient les frères.

C’est le couvent qu’aimait le saint par-dessus tous les autres ; il prescrivit aux frères de le tenir tout spécialement en vénération[3], de le conserver dans l’humilité et la très haute pauvreté, car c’était le miroir de l’Ordre, et c’est pourquoi il en refusait la propriété, n’en gardant que l’usage[4].

  1. On y observait la plus stricte discipline concernant le travail, le silence et tous les autres actes de la vie régulière. N’y étaient admis que certains frères soigneusement choisis, réunis là de partout ; le saint exigeait qu’ils fussent d’une piété sincère et d’une perfection sans reproche. L’accès en était encore interdit à tout séculier de peur que, par démangeaison de savoir ce qui se passait dans le monde, les frères n’allassent interrompre leur contemplation des mystères du ciel pour se laisser impliquer par les bavards dans les affaires de la terre.

Il n’y était pas davantage permis de prononcer des paroles inutiles ni de répéter celles d’autrui : si l’un ou l’autre s’en était rendu coupable, le châtiment lui apprenait à ne plus retomber dans cette faute par la suite.

Les frères, établis là, s’adonnaient de jour et de nuit, sans interruption, à la louange divine et menaient ainsi une vie odoriférante[5] semblable à celle des Anges. L’endroit était d’ailleurs tout désigné puisqu’au dire des anciens du pays on l’appelait aussi Sainte-Marie-des-Anges.

Au témoignage du bienheureux Père lui-même, Dieu lui avait révélé qu’entre toutes les églises construites dans le monde en son honneur, la bienheureuse Vierge aimait celle-ci d’un amour de prédilection ; pour cette raison le saint lui aussi l’aimait plus que les autres.

Table des chapitres

 

[1] Littéralement, une « portioncule « .

[2] Un document de 1045 nous est témoin de cette tradition certainement fort ancienne (A. Fortini, Nova Vita di San Francesco, t. III, p. 92 et 334).

[3] Cf. 1 C 106.

[4] Cf. plus bas, §§ 57 et 59. – La distinction juridique ici s’appuie sur la bulle Quo elongati (1230).

[5] La prière a souvent évoqué l’image de l’encens qui l’accompagne dans le déroulement des cérémonies. Cf. Ps. 140 2 :

« Que ma prière devant toi s’élève comme un encens,

« Mes mains comme l’offrande du soir. »

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