VITA SECUNDA 156-157

CHAPITRE 116

MALÉDICTION CONTRE CEUX QUI DONNAIENT DE MAUVAIS EXEMPLES. LA PEINE CAUSÉE AU SAINT PAR LEUR MAUVAISE CONDUITE.

156. Il réservait une terrible malédiction à ceux dont la conduite dépravée ou les mauvais exemples portaient atteinte à la sainteté de l’Ordre. On lui rapporta un jour que l’évêque de Fondi1 avait apostrophé deux frères venus se présenter à lui et qui, pour avoir l’air de se mépriser beaucoup eux-mêmes, s’étaient laissé pousser une barbe d’une longueur démesurée : « Craignez de ternir la beauté de votre saint Ordre avec des innovations prétentieuses de ce genre ! »

Le Père se dressa aussitôt, leva les bras au ciel et, le visage inondé de larmes, laissa échapper ces paroles de prière ou plutôt d’imprécation : « Seigneur Jésus-Christ, dont les Apôtres, choisis au nombre de douze, restèrent fidèles au saint Evangile malgré la défection de l’un d’entre eux, et témoignèrent, dans leur prédication, d’un seul et même Esprit, vous vous êtes souvenu en nos derniers temps de votre miséricorde et vous avez fondé l’Ordre des frères pour ranimer la foi et réaliser en eux les exigences de votre Evangile. Qui donc vous offrira pour eux satisfaction si, oublieux de leur mission, ils négligent de donner à tous les hommes des exemples de lumière et ne donnent en spectacle que des actions de ténèbres ? De vous très saint Seigneur, et de toute la cour céleste, et de moi votre petit pauvre, qu’ils soient maudits ceux qui par leur mauvais exemple renversent et détruisent ce que vous avez jadis édifié et ne cessez d’édifier par les saints frères de cet Ordre ! »

Où sont-ils, ceux qui se vantent d’avoir reçu sa bénédiction et joui de ses faveurs ? Malheur à eux si, ce qu’à Dieu ne plaise, ils ne se repentaient pas du scandale qu’ils ont donné ! Qu’ils craignent la damnation éternelle2  !

157. « Les frères les meilleurs, disait-il, sont couverts de confusion à cause de la conduite des mauvais ; ceux qui n’ont pas péché, on les juge d’après les actions des autres. J’en suis comme transpercé d’un glaive de douleur qu’ils retournent tout le jour dans mon coeur. » Et s’il fuyait la compagnie des frères, c’était pour que de mauvaises nouvelles sur le comportement de l’un ou de l’autre ne vinssent pas raviver sa peine.

« Un temps viendra, disait-il, où par suite des mauvais exemples, cet Ordre aimé de Dieu possédera une triste réputation, et les frères rougiront même d’avoir à sortir en public. Ceux qui postuleront leur admission dans l’Ordre seront poussés uniquement par l’Esprit-Saint, leur résolution ne sera entachée d’aucun amour-propre de la chair ou du sang ; ils seront véritablement bénis du Seigneur. On ne les verra pas accomplir d’actions de mérite éclatant, car l’ambiance de charité qui stimule la ferveur des saints sera refroidie ; ils auront à subir de terribles tentations, et ceux d’entre eux qui surmonteront l’épreuve seront meilleurs que leurs prédécesseurs. Mais malheur à ceux3 qui se trouveront très satisfaits d’appartenir à un Ordre religieux et s’engourdiront dans l’oisiveté sans opposer une résistance continuelle aux tentations que Dieu permet pour éprouver ses élus ; car seuls recevront la couronne de vie ceux qu’aura formés et pétris la méchanceté des réprouvés ! »

Table des chapitres

1   Dans la province de Gaète, au sud de Rome.

2    Ici comme plus bas au § 216, l’allusion est sans doute dirigée contre frère Elie qui était encore frappé d’excommunication au moment où écrivait Celano. Signalons pourtant que les défenseurs de l’ex-général tiennent ces deux passages pour interpolés (Cf. 1 C 108).

3    Bénis… Malheur… On retrouve ici le schéma des Béatitudes et des Malédictions de Lc 5 et des Admonitions 20-22 et 26.

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