CHAPITRE 10
COMMENT FRÈRE BERNARD SE DÉPOUILLA DE TOUS SES BIENS.
- A l’exemple de François, un habitant d’Assise nommé Bernard, qui devint par la suite « fils de la perfection »[1], songeait à renoncer entièrement au monde ; il vint lui demander conseil et lui exposa ainsi l’affaire :
« Père, si quelqu’un détient depuis longtemps des biens appartenant à autrui et ne veut pas les garder plus longtemps, qu’a-t-il à faire de plus parfait ?
– Restituer à leur propriétaire toutes les richesses qu’il en a reçues, répondit l’homme de Dieu.
– Eh bien, tout ce que j’ai, répliqua Bernard, c’est à Dieu que je le dois et je suis prêt à tout lui rendre, comme tu me l’as conseillé.
– Pour mettre mes paroles à l’épreuve des faits, dit le saint, demain, dès le matin, nous entrerons à l’église, nous prendrons le Livre des Evangiles, et c’est au Christ que nous demanderons conseil[2]. »
Ils entrèrent donc dans une église le lendemain matin, commencèrent par prier avec ferveur, puis ouvrirent l’Evangéliaire, prêts à accomplir tout ce que leur désignerait le premier passage rencontré. Ce fut le conseil donné par le Christ : Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes, et donnes-en le prix aux pauvres[3]. Ils tentèrent un deuxième essai et lurent : Pour la route, n’emportez rien[4]. Une troisième expérience donna : Celui qui veut venir après moi, qu’il se renonce à soi-même[5]. Sans différer Bernard réalisa tout ce programme et n’en transgressa pas un iota.
S’arrachant à l’emprise des soucis mondains, beaucoup vinrent à la suite de François pour trouver la vraie Patrie et le souverain Bien. Il serait trop long de raconter ici en détail comment chacun d’eux s’est adjugé la récompense à laquelle Dieu l’avait destiné.
[1] Jn 17 12.
[2] Cf. 1 C 92.
[3] Mt 19 21.
[4] Lc 9 3.
[5] Lc 9 23.