VITA SECUNDA 139

CHAPITRE 101

LA VERTU DOIT RESTER CACHÉE.

139. Voilà comment cet homme avait renoncé à toute gloire qui n’aurait pas été partagée avec le Christ ; voilà de quelle malédiction il chargeait toute marque de faveur humaine1. Il savait qu’à vouloir s’acheter une réputation on dissipe son trésor intérieur, et qu’il est moins dangereux de manquer de certaines vertus que de mal employer celles que l’on a ; il savait qu’il n’est pas moins méritoire de sauvegarder ses dons que d’en acquérir d’autres.

Nous autres, hélas ! c’est la vanité qui nous fait agir, bien plus que la charité, et la faveur du monde est en nous un ressort plus puissant que notre amour pour le Christ. Nous ne savons pas arbitrer nos tendances, examiner de quel esprit nous sommes et nous pensons avoir la charité pour mobile de nos actions alors que c’est la vaine gloire qui nous pousse. Et si nous avons fait du bien, ne fût-ce qu’un peu, nous trouvons que ce lest est trop encombrant, nous le semons en cours de route durant la vie et nous nous trouvons démunis au moment d’aborder à notre dernier rivage. Nous supportons facilement de ne pas être bons, mais nous trouvons intolérable de ne pas le paraître, de ne pas être pris pour tels. Toute notre vie se passe à donner ou à recevoir des louanges humaines : nous ne sommes rien d’autre que des hommes.

Table des chapitres

1    Il semble qu’on ait ici la conclusion du § 134 après l’insertion d’un excursus sur les stigmates, bloc erratique interrompant le parallèle avec le Miroir de Perfection et la Légende de Pérouse

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