VITA SECUNDA 12

CHAPITRE 7

 

COMMENT IL FUT PERSÉCUTÉ PAR SON PÈRE ET PAR SON FRÈRE.

 

  1. A le voir donner ainsi tout son temps à des tâches concernant le service de Dieu[1], son père selon la chair se mit à le persécuter ; pour lui le service du Christ était une folie, et continuellement il bourrelait son fils de ses malédictions. Alors le serviteur de Dieu s’adjoignit pour compagnon un homme du peuple, très simple. Il l’adopta pour père et le pria de compenser par une bénédiction chacune de ces malédictions accumulées sur lui par son père. Il mit ainsi en pratique le verset du prophète, expliquant par des faits le sens des mots : Eux, ils maudiront, mais toi tu béniras[2].

L’évêque d’Assise, homme de grande piété, lui donna ce principe : on ne peut employer à aucun usage sacré de l’argent mal acquis et lui conseilla de restituer à son père la somme qu’il avait voulu consacrer à la réparation de l’église. Devant toute une foule, François s’écria : « En toute liberté désormais, je pourrai dire : Notre Père qui es aux Cieux[3] ! Pierre Bernardone n’est plus mon père, et je lui rends non seulement son argent que voici, mais encore tous mes vêtements. J’irai nu à la rencontre du Seigneur ! »

Quelle noblesse[4] dans cette âme qui déjà ne veut rien d’autre que le Christ ! On s’aperçut alors que l’homme de Dieu portait un cilice caché sous ses vêtements ; il ne faisait pas étalage de ses vertus, il préférait les pratiquer.

Comme son père, son frère selon la chair le poursuivait de traits malveillants. Un matin d’hiver, François priait, couvert seulement de pauvres haillons, et il grelottait de froid ; l’autre lança goguenard à l’un de ses voisins : « Va donc demander à François s’il veut te vendre un sou de sueur. » François l’entendit, et, très joyeux, répondit en souriant : « C’est au Seigneur que je la vendrai, et à prix fort ! » Il n’aurait pu mieux dire, car il reçut en ce monde non pas cent, mais mille pour un, et il obtint dans l’autre la vie éternelle non pour lui seulement, mais pour beaucoup.

Table des chapitres

 

[1] Opera pietatis. On pourrait comprendre aussi : dictées par son amour de Dieu.

[2] Ps 108 28.

[3] Réplique ignorée par 1 C 15.

[4] Liber, avec la nuance : fier, impatient, « franc » du collier, nouveau jeu de mots sur le prénom de François (Cf. 1 C 120, n. 6).

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