CHAPITRE 40
CEUX QUI S’ÉCARTENT DE LA PAUVRETÉ SONT AVERTIS QU’ILS TOMBERONT DANS LE BESOIN.
- Le saint disait parfois tristement : « Dans la mesure où les frères s’écarteront de la pauvreté, dans la même mesure le monde s’écartera d’eux ; ils chercheront alors et ne trouveront pas[1]. S’ils embrassent, par contre, ma Dame la Pauvreté, alors le monde les nourrira, car ils sont donnés au monde pour le sauver. Il y a comme un contrat entre le monde et les. frères[2] : ceux-ci doivent au monde le bon exemple ; le monde doit leur donner de quoi vivre. Si le pacte est rompu, si les frères privent le monde de leurs bons exemples, en retour le monde leur coupera les vivres, et ce sera bien fait. »
Dans l’intérêt même de la pauvreté, le saint redoutait pour son Ordre le trop grand nombre qui en réalité ne procure pas la richesse mais en donne l’apparence. « Si cela est possible, disait-il, advienne le jour où le monde, ne voyant que très rarement les frères mineurs, s’étonnera qu’ils soient si peu[3] ! » Pour lui, indissolublement attaché à sa Dame la Pauvreté, il en attendait non pas en cette vie mais dans l’autre la dot qu’elle devait lui apporter. Les psaumes qu’il chantait avec le plus de joie et d’amour étaient ceux qui glorifient la pauvreté, par exemple : « Le pauvre ne sera pas oublié pour toujours[4] » et « Les pauvres verront Dieu et se réjouiront[5]. »
[1] Contrairement à la promesse de l’Evangile (Mt 7 8) dont l’accomplissement par Dieu est ici subordonné à la pratique des vertus évangéliques.
[3] On trouve formulé en 1 C 27 le vœu exactement opposé : « ils souhaitaient voir chaque jour augmenter leur nombre ».
[4] Ps 9 19.
[5] Ps 58 33. Saint François a inséré ce dernier verset dans son Psautier 14 5.