VITA SECUNDA 116-117

CHAPITRE 82

COMMENT LE DÉMON L’APPELA, LUI ENVOYA UNE TENTATION DE LUXURE, ET COMMENT LE BIENHEUREUX EN SORTIT VAINQUEUR.

116. Le Malin est continuellement jaloux des progrès accomplis par les fils de Dieu. Voici le genre d’épreuve qu’il eut la présomption d’infliger au saint dans l’ermitage de Sarteano. Il le voyait se sanctifier davantage de jour en jour, poursuivre toujours son avance sans jamais se juger satisfait des progrès accomplis ; une nuit, le bienheureux était en train de prier dans sa cellule ; à trois reprises, le démon l’appela :

« François ! François ! François

– Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il.

– Il n’est pécheur en ce monde, répondit l’autre, à qui Dieu, s’il se convertit, n’accorde le pardon ; mais celui qui se tue lui-même à force de pénitence, celui-là jamais n’obtiendra miséricorde. »

Une révélation permit aussitôt à l’homme de Dieu de pénétrer la fourberie de l’ennemi qui s’acharnait ainsi à le ramener à la médiocrité. Mais qu’à cela ne tienne : l’ennemi ne se considère pas comme battu ; il lance une nouvelle attaque ; sa première ruse éventée, il en utilise une autre : les désirs charnels. Mais il eut beau faire : le saint qui avait démonté les sophismes de l’esprit ne fut pas dupe des passions de la chair. Le démon lui envoya donc une violente tentation de luxure ; mais le bienheureux Père, dès les premières atteintes, quitta son habit et se flagella vigoureusement. « Frère âne1, se dit-il, voilà l’état où tu mérites de rester, voilà le fouet que tu dois subir ! La tunique est un habit religieux, tu n’as pas le droit de la porter, va donc maintenant où tu veux ! »

117. Tout son corps était marbré de coups ; la tentation ne s’éloignait pas. Il sortit alors dans le jardin et se roula tout nu dans l’épaisse couche de neige puis, la ramassant à pleines mains, il en façonna sept tas en forme de mannequins, les passa en revue et prit son corps à partie :

« Regarde, dit-il, le plus grand c’est ta femme ; les quatre autres, tes deux garçons et tes deux filles ; les deux derniers, ton domestique et ta bonne, car il faut aussi se faire servir. Allons, dépêche-toi de leur trouver des vêtements, car ils meurent de froid. Mais si tu trouves trop lourds tant de soucis, alors reporte tous tes soins à ne servir que Dieu seul ! »

Le tentateur, vaincu, battit en retraite aussitôt, et le saint retourna en cellule glorifiant Dieu. Un frère pieux, encore en prière à cette heure-là, fut témoin de toute la scène grâce à un splendide clair de lune ; l’homme de Dieu sut qu’il avait été observé ; il en fut très contrarié et défendit au frère d’en parler à quiconque tant qu’il vivrait.

Table des chapitres

1 Sur frère âne, voir 2 C 129, mais aussi 2 C 211.

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