Vita prima, Chapitre 8 n° 18-20

CHAPITRE 8

COMMENT IL RÉPARA L’ÉGLISE DE SAINT-DAMIEN ET QUELLE ÉTAIT LA VIE DES RELIGIEUSES QUI SE FIXÈRENT EN CE LIEU.

18.- Après avoir obtenu son émancipation , François, pour son premier travail, entreprit de bâtir à Dieu une maison ; il ne voulut point construire à neuf, mais répara une vieille église, remaçonna les murs croulants ; il ne déterra pas les fondations mais rebâtit sur elles, gardant ainsi au Christ, sans le savoir, le rôle primordial, car personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui est déjà en place : le Christ Jésus . Il retourna donc au lieu où, comme on l’a dit plus haut, s’élevait la très vieille église de Saint-Damien et, toujours soutenu par la grâce, il fit tant et si bien qu’il l’eut bientôt réparée.

Ce lieu béni et saint vit plus tard, environ six ans après la conversion du bienheureux François, la naissance d’un Ordre glorieux et admirable de vierges saintes : les « Pauvres Dames ». C’est là que Dame Claire, originaire de la cité d’Assise , devint la pierre précieuse et inébranlable qui devait servir de base à toutes les autres pierres constituant l’édifice. L’Ordre des Frères était déjà lancé ; elle fut à son tour gagnée à Dieu par les exhortations du saint et servit au progrès de beaucoup d’âmes : innombrables furent celles qui suivirent son exemple. Noble par la naissance, elle l’était davantage par la grâce ; son corps était vierge, son âme parfaitement pure ; toute jeune en âge , mais très avancée en maturité d’esprit, inébranlable dans sa décision et brûlante d’enthousiasme dans son amour de Dieu, comblée de sagesse et incomparable d’humilité, elle était Claire par le nom, plus claire par sa vie, très claire par sa vertu .

19.- Elle fut la base d’un noble édifice construit en pierres elles aussi très précieuses : les hommes ne peuvent que laisser à Dieu le soin de chanter leurs louanges que notre chétive réflexion est impuissante à concevoir, et notre langage défaillant à exprimer.

Chez elles, en effet, la vertu la plus vivace de toutes est une mutuelle et continuelle charité qui unit si bien toutes les volontés, que, fussent-elles quarante ou cinquante à demeurer ensemble, les mêmes vouloirs et les mêmes renoncements ne forgent qu’une seule âme, de toutes ces âmes si diverses.

Deuxièmement, on voit briller en chacune d’elles le joyau de l’humilité qui sauvegarde si bien les dons et bienfaits reçus du ciel que ceux-ci à leur tour méritent l’octroi de toutes les autres vertus.

Troisièmement, le lys de la virginité et de la chasteté épanche sur elles toutes son merveilleux parfum, de sorte qu’oublieuses de toute préoccupation terrestre, elles se passionnent pour la méditation des seuls mystères du ciel  ; ce parfum dégage dans leurs cœurs un si puissant amour pour leur éternel Epoux, que cette divine passion, dans son intransigeance, ne tolère plus aucune attache à leur vie d’autrefois.

Quatrièmement, elles sont si exactement fidèles à leur titre de la très haute pauvreté , que c’est à peine si elles consentent à parer aux nécessités les plus urgentes de la nourriture et du vêtement.

20.- Cinquièmement, elles se sont acquis la grâce particulière de la mortification et du silence au point qu’elles n’ont pratiquement aucun effort à faire pour réprimer les tendances de la chair ou réfréner leur langue. Certaines ont tellement perdu l’habitude de parler que, lorsqu’elles y sont contraintes par la nécessité, elles ont oublié les règles d’une correcte prononciation.

Sixièmement, toutes ces vertus sont relevées chez elles d’une patience si admirable que jamais la misère de leur condition de vie ou l’injustice de certaines malversations n’arrivent à briser leur force d’âme ni même à l’ébranler.

Septièmement enfin, elles ont mérité de s’élever sur les sommets de la contemplation ; c’est là qu’elles apprennent tout ce qu’il faut faire, ce qu’il faut éviter ; là qu’elles atteignent au bonheur d’être ravies en Dieu durant les jours et les nuits qu’elles consacrent à la louange et à la prière.

Daigne l’Eternel accorder à un si saint commencement la grâce d’une continuation plus sainte encore ! Mais en voilà assez, pour l’instant, concernant ces vierges consacrées à Dieu et à ces très pieuses servantes du Christ ; leur vie étonnante et l’admirable législation qu’elles ont reçue du Seigneur Pape Grégoire alors évêque d’Ostie demandent une étude particulière et un ouvrage distinct .

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