Vita prima Chapitre 4 n° 8-9

CHAPITRE 4

COMMENT IL VENDIT TOUS SES BIENS ET SE DÉSINTÉRESSA DE L’ARGENT.
8.- Ainsi poussé et tonifié par l’Esprit-Saint, voilà notre serviteur du Très-Haut qui, le moment étant venu, s’abandonne à la sainte passion de son âme et foule aux pieds les biens de ce monde pour conquérir des biens meilleurs. D’ailleurs, il ne lui était pas permis de différer : une maladie mortelle étendait partout ses ravages et paralysait tant d’âmes que c’en était fait de leur vie, pour peu que le médecin tardât . François se lève donc, fait le signe de la croix, harnache son cheval, charge plusieurs pièces de drap d’écarlate , bondit en selle et part en hâte pour Foligno . Il y vend comme d’habitude toute sa marchandise, et, par un coup de chance, trouve même acquéreur pour son cheval. Sur le chemin du retour, libéré de tout fardeau, il cherchait à quelles fins religieuses il pourrait bien destiner cette somme : il désire – conversion rapide et merveilleuse ! – se mettre au service de Dieu ; il trouve cet argent bien trop lourd à porter, ne fût-ce qu’une heure, et, aussi dédaigneux de ses bénéfices que de la boue, aspire à s’en débarrasser.Il approchait d’Assise ; en bordure du chemin s’élevait une église très ancienne dédiée à saint Damien , si délabrée qu’on craignait de la voir s’effondrer.

9.- Notre chevalier devenu chevalier du Christ s’approcha de l’église. A voir une telle misère, son cœur se serra ; il entra avec crainte et respect. Il y rencontra un pauvre prêtre dont, avec beaucoup de foi, il baisa les mains consacrées , puis il voulut lui remettre l’argent qu’il rapportait et lui exposa tout au long ses projets.

Stupéfait, émerveillé d’une conversion trop soudaine pour être vraie, le prêtre n’en voulait pas croire ses oreilles. Il flairait une mystification et refusa l’argent : la veille encore, pour ainsi dire, il avait été le témoin de ses excès en compagnie de parents et camarades, et de ses bouffonneries à sensation… Mais François revenait à la charge et insistait, suppliait le prêtre d’ajouter foi à ses paroles, le priant et le conjurant de lui permettre un séjour chez lui pour servir le Seigneur. A la fin, le prêtre consentit au séjour, mais, par crainte des parents, refusa l’argent ; François, plein de mépris pour les richesses, jeta ce dernier dans l’encoignure d’une fenêtre, sans plus d’intérêt que pour de la poussière. Ce qu’il voulait, c’était « posséder la sagesse qui vaut bien mieux que l’or, et acquérir la prudence, bien plus précieuse que l’argent  ».

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