CHAPITRE 17
COMMENT LE BIENHEUREUX FRANÇOIS LEUR APPRIT A PRIER. L’OBÉISSANCE DES FRÈRES ET LEUR PURETÉ DE COEUR .
45.- Les frères lui demandèrent un jour comment prier car, agissant alors en toute simplicité d’esprit, ils ne récitaient pas encore l’Office de l’Eglise . Il leur répondit : « Quand vous prierez, dites : Notre Père …. et : Nous t’adorons, ô Christ, dans toutes les églises du monde, et nous te bénissons d’avoir, par ta sainte croix, racheté l’univers. » Les frères mettaient le plus grand soin à pratiquer les enseignements de leur bon maître ; ils s’efforçaient d’exécuter non seulement ce qu’il leur disait sous forme de conseil fraternel ou d’injonction paternelle, mais aussi tout ce qu’ils pouvaient deviner, à tel ou tel indice, de ses pensées et de ses désirs. Car le bienheureux Père leur disait qu’obéir vraiment concernait les pensées non moins que les paroles, les désirs non moins que les ordres : « Si un frère sujet devine la volonté non déclarée oralement de son frère gardien, il doit aussitôt se mettre en mesure d’obéir et faire ce que le moindre signe lui révélera. »
S’ils passaient à proximité d’une église, mais devaient sans y entrer se contenter de la regarder de loin, ils se tournaient dans sa direction et, prosternés de corps et d’âme, adoraient le Tout-Puissant en disant : « Nous t’adorons, ô Christ, dans toutes tes églises…» comme le Père le leur avait enseigné. Ils agissaient de même, ce qui n’est pas moins édifiant, chaque fois qu’ils apercevaient une croix ou une image de la croix sur le sol, sur un mur, sur le tronc d’un arbre ou dans une haie le long du chemin.
46.- Leur simplicité, leur innocence, leur pureté de cœur les rendaient absolument incapables de duplicité ; ils partageaient la même foi, le même élan, la même volonté, la même charité ; l’union des âmes était réalisée par la similitude de vie, la pratique des vertus, l’identité de vues et de générosité dans l’action .
Leur confesseur était un prêtre perdu de réputation et honni par tous à cause de l’énormité de ses crimes , beaucoup de personnes les mirent au courant : ils n’en voulurent rien croire et n’en continuèrent pas moins à lui confesser leurs péchés et à lui témoigner le respect qui lui était dû .
C’est ce prêtre, je crois, qui dit un jour à un frère « Garde-toi bien, frère, de toute hypocrisie ! » Aussitôt, à cause de cette phrase d’un prêtre, le frère se regarda comme un hypocrite ; accablé d’une immense douleur, il se lamentait jour et nuit. Aux frères qui venaient s’enquérir de ce chagrin si insolite, il répondait ; « Un prêtre m’a dit une chose telle que j’en reste meurtri et ne puis plus penser à autre chose. » Les frères cherchaient à le consoler et l’exhortaient à n’en rien croire, mais lui de rétorquer « Que me dites-vous là ? C’est un prêtre qui me l’a dit est-ce qu’un prêtre peut mentir ? Et puisqu’un prêtre ne peut mentir, il faut croire ce qu’il nous dit ! » Il s’entêta longtemps à ne voir qu’un seul côté des choses, mais il finit par se rendre quand son bienheureux Père lui eut expliqué ce qu’avait dit le prêtre et qu’il eut, avec finesse, disculpé ce dernier de l’intention que lui avait prêtée le frère.
Il n’était si grand trouble dans l’âme d’un frère, dont François, de sa parole de feu, ne parvînt à chasser tout nuage pour lui rendre la sérénité.
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