Vita prima, Chapitre 10 n° 23-25

CHAPITRE 10

COMMENT IL PRÊCHAIT L’ÉVANGILE ET ANNONÇAIT LA PAIX. CONVERSION DES SIX PREMIERS FRÈRES.

23.- Et le voilà qui, d’une âme brûlante de ferveur et rayonnante d’allégresse, prêche à tous la pénitence, édifiant son auditoire en un langage simple mais avec une telle noblesse de cœur ! Sa parole était comme un feu ardent qui atteignait le fond des cœurs ; tous étaient remplis d’admiration. On ne reconnaissait plus en lui l’homme qu’il avait jadis été, car, tourné vers le ciel, il ne daignait plus accorder ses regards à la terre. Coïncidence curieuse : il commença à prêcher là où, petit enfant, il avait appris à lire, où plus tard lui fut procurée une provisoire mais glorieuse sépulture  : il fallait que ses heureux débuts fussent sanctionnés par un couronnement plus heureux encore. Il enseigna où il avait étudié et termina heureusement où il avait commencé.

Il ouvrait chacun de ses sermons par un souhait de paix avant de transmettre à l’assistance la Parole de Dieu ; il disait : « Que le Seigneur vous donne la paix ! » Cette paix, il la souhaitait toujours et avec conviction, aux hommes et aux femmes, à tous ceux qu’il rencontrait ou croisait sur sa route. Et cela eut souvent pour effet, avec la grâce du Seigneur, d’amener ceux qui, réfractaires à la paix, étaient ennemis de leur propre salut, à embrasser la paix de tout leur coeur, à devenir eux aussi des fils de la paix et des conquérants du salut éternel .

24.- Le premier d’entre eux qui suivit l’homme de Dieu fut un habitant d’Assise à l’esprit simple et pieux . Après lui, frère Bernard s’en vint adhérer à cette mission de paix et, afin de s’acquérir le royaume des cieux, suivit les traces du saint d’un pas allègre et empressé . Il avait souvent donné l’hospitalité à notre bienheureux Père ; il avait pu à loisir contempler et étudier sa vie et ses mœurs : excité par le parfum de sa sainteté, il conçut la même crainte du Seigneur et enfanta la même piété qui le mena jusqu’au salut. Il voyait que François passait les nuits en prière, ne dormait que très peu et prêchait les louanges de Dieu et de la glorieuse Vierge, sa mère ; rempli d’admiration, il se disait : « Vraiment, cet homme est un homme de Dieu  » Aussi mena-t-il rondement les affaires : il vendit tous ses biens, les distribua aux pauvres, non à sa famille, et s’établit décidément dans l’état de perfection, pratiquant le conseil évangélique : « Si tu veux être parfait, va, vends tout cc que tu as, donnes-en le prix aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi .» Il prit ensuite le même habit que saint François, partagea sa vie et ne le quitta plus ; les frères étaient déjà très nombreux quand il partit, sur l’ordre du Père, en des régions lointaines .

Sa conversion à Dieu servit de modèle à tous ceux qui suivirent : liquidation des biens et distribution aux pauvres. La conversion et la venue d’un homme si considérable furent pour François une joie intense et profonde : le Seigneur semblait par là lui témoigner sa sollicitude puisqu’il lui donnait le compagnon dont chacun a besoin et un ami fidèle.

25.- Suivit bientôt un autre citoyen d’Assise qui mena une vie au-dessus de tout éloge et, en peu de temps, acheva ce qu’il avait saintement commencé, d’une manière plus sainte encore . Peu de temps après lui arriva frère Gilles, homme simple, droit et craignant Dieu ; durant tout le temps de sa longue vie, il pratiqua la sainteté, la justice, la piété, nous laissant des exemples d’obéissance parfaite, de travail manuel, d’amour de la solitude et de contemplation . Un autre vint encore, puis frère Philippe porta leur nombre à sept ; le Seigneur avait touché et purifié ses lèvres par un charbon ardent pour qu’il parlât de Lui avec une douceur pleine d’onction ; il comprenait et interprétait les Saintes Ecritures sans avoir étudié dans les écoles, à l’exemple de ceux que les princes des Juifs traitaient en hommes du commun, sans instruction.

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