DAME PAUVRETÉ INFORME FRANÇOIS
DES PROGRÈS ET DES VICISSITUDES DE SON ORDRE
- « Mes frères, si je vous ai retracé cette longue histoire, c’est pour que vous gardiez l’œil vigilantl et sachiez ce que vous devez faire. Il est terriblement dangereux de regarder en arrière et de se moquer de Dieu. Pensez à la femme de Lothm et n’écoutez pas n’importe quelle suggestionn. J’ai pourtant confiance en vous, mes frères très cherso, car je trouve chez vous des gages de salut bien plus importants que chez les autres : vous avez tout rejeté, n’est-ce pas ? Vous vous êtes débarrassés d’absolument tout. Et je n’en veux pour preuve convaincante que cette ascension réussie, où presque tous ont échoué. Laissez-moi vous dire pourtant, mes amis, que la malice de beaucoup me fait douter de la vertu des meilleurs, car sous la peau de brebis j’ai fréquemment trouvé des loups rapacesp.
- « Je désire assurément que chacun de vous suive l’exemple des saints, dont la foi et la soumission à l’épreuve ont mérité que je sois leur trésor. Mais parce que je crains qu’il ne vous arrive la même mésaventure qu’aux autres, laissez-moi vous donner un conseil profitable : ne prétendez pas atteindre, dès le départ, des cimes trop difficilement accessibles. Non, montez à votre rythme, et puisque le Christ vous sert de guide, vous vous retrouverez finalement là-haut. Faites attention : après vous être enrichis du fumier de votre bassesse, vous pourriez être trouvés stériles, et vous ne mériteriez que la cognée. N’ayez pas une confiance aveugle dans vos sentiments actuels, car les pensées humaines sont plus portées au mal qu’au bien, et l’âme revient facilement aux habitudes dont elle s’était pourtant le mieux débarrassée. Je suis bien persuadée que votre grande ferveur vous fera tout paraître léger. Mais rappelez-vous ce qui est écrit : « Voici : ceux qui le servent ne sont pas infaillibles, et même dans ses anges il a trouvé le malq».
- « Au début, tout vous semblera des plus agréables, mais bien vite, forts des bienfaits reçus de Dieu, vous vous laisserez gagner par l’accoutumance et l’indifférence. Vous croirez qu’il vous sera toujours possible de revenir à lui, à l’heure qu’il vous plaira, et de retrouver l’ambiance réconfortante des débuts ; mais quand on cède une fois à la négligence, on n’y renonce pas facilement. Puis, votre cœur s’intéressera ailleurs, quoique la raison vous crie de revenir à vos premières amours. Alors, vaincus par la torpeur et l’indifférence spirituelle, vous opposerez de vaines excuses « Nous ne pouvons plus vivre avec la vaillance des débuts les temps ont changé ! » Ce sera ignorer ce qui est écrit « C’est au terme de la vie que tout commence pour l’hommer . » Et pourtant une voix en vous s’élèvera pour dire : « Demain, oui demain nous redeviendrons celui que nous étions jadis, car notre état était meilleur qu’aujourd’huis.
« Telles sont mes nombreuses recommandations, frères, et j’en aurais autant à vous faire encore, mais présentement ce serait excéder les limites de votre patience et de votre entendementt. Un temps viendra où je préciserai clairement tout ce que je viens de vous dire. »
l Pr 4 25.
m Lc 17 32.
n 1 Jn 4 1.
o He 6 9.
p Mt 7 15.
q Jb 4 18.
r Si 18 6.
s Os 2 7.
t Jn 16 12.