VOYAGE EN FRANCE INTERROMPU
- A son arrivée à Florence, le bienheureux y rencontra le seigneur Hugolin, évêque d’Ostie, qui plus tard devint pape ; ce dernier avait reçu du pape Honorius la légation du duché de Spolète, de la Toscane, de la Lombardie et de la Marche de Trévise jusqu’à Venise. Le seigneur évêque se réjouit fort de l’arrivée du bienheureux.
Mais quand il apprit qu’il voulait aller en France, il s’y opposa : « Frère, je ne veux pas que tu ailles outre-Monts, car il y a dans la curie romaine nombre de prélats et d’autres gens qui voudraient bien nuire aux intérêts de ton Ordre. Les autres cardinaux et moi, qui aimons ton Ordre, nous le protégerons et le secourrons plus efficacement si tu demeures à l’intérieur des frontières de cette province. » Le bienheureux François répondit : « Seigneur, ce serait pour moi grande honte de rester dans ce pays alors que j’ai envoyé mes frères dans des provinces lointaines. »
Le seigneur évêque lui répliqua sur un ton de reproche : « Pourquoi as-tu envoyé tes frères subir tant d’épreuves si loin et mourir de faim ? » Le bienheureux François répondit dans un grand élan prophétique : « Seigneur, pensez-vous et croyez-vous donc que le Seigneur Dieu n’ait envoyé des frères que pour cette province ? Je vous le dis en vérité : Dieu a choisi et envoyé les frères pour le profit et le salut de tous les hommes du monde entier ; ils seront reçus non seulement dans les pays fidèles, mais aussi chez les infidèles. Qu’ils observent ce qu’ils ont promis à Dieu, et Dieu leur donnera, chez les infidèles aussi bien que chez les fidèles, tout ce dont ils auront besoin. »
Le seigneur évêque admira ce langage et reconnut que le saint avait raison. S’il ne permit pas au bienheureux de partir pour la France, celui-ci put, du moins, y envoyer le frère Pacifique avec d’autres frères[1]. Quant à lui, il revint dans la vallée de Spolète.
[1] Frère Pacifique vint donc en France en 1217 ; il fonda à Vézelay le premier couvent franciscain de France, connu sous le nom de La Cordelle.