PUISSANCE DE SA PRIÈRE
- A une certaine époque, comme le bienheureux François était dans ce même couvent[1], il se tenait pour prier dans une cellule située derrière la maison. Un jour qu’il s’y trouvait, l’évêque d’Assise[2] vint pour le voir. Il entra dans la maison et frappa à la porte de la cellule pour pénétrer jusqu’au bienheureux François. La porte ouverte[3] il pénétra aussitôt dans la cellule : on y avait aménagé avec des nattes un petit réduit où se tenait le bienheureux François. Comme il savait que le saint Père lui témoignait de la familiarité et de la tendresse, il entra sans se gêner et souleva la natte pour le voir. Mais à peine avait-il passé la tête dans le petit réduit qu’il fut soudain, bon gré mal gré, repoussé violemment dehors par la volonté du Seigneur, parce qu’il n’était pas digne de voir le saint. A reculons, il sortit sur-le-champ de la cellule, tremblant et stupéfait. Devant les frères il avoua sa faute et son repentir d’y avoir pénétré ce jour-là.
- Il y avait un frère, homme de vie intérieure profonde et déjà ancien dans l’Ordre[4], qui était le familier du bienheureux François. Or il lui arriva, à une certaine époque, d’être en proie pendant de longs jours à de très graves et très cruelles suggestions du diable. Il était ainsi tombé dans le plus profond désespoir. Chaque jour il en souffrait, et d’autant plus qu’il avait honte d’aller s’en confesser chaque fois. Aussi se mortifiait-il d’une manière excessive par le jeûne, les veilles, les larmes et la discipline. Depuis de longs jours il était en proie à son tourment quotidien quand, par une disposition divine, le bienheureux François vint en ce lieu. Un jour qu’il se promenait aux alentours du couvent avec un frère et avec celui qui était ainsi tourmenté, le bienheureux, s’écartant un peu du premier frère, s’approcha de celui qui était tenté et lui dit : « Frère très cher, je veux et j’ordonne que dès maintenant tu ne sois plus tenu de confesser à qui que ce soit ces suggestions et tentations du diable. Ne crains pas : elles n’ont fait aucun tort à ton âme. Mais chaque fois que tu seras troublé par ces suggestions, ce que je te permets, c’est de réciter sept fois le Notre Père. » Et le frère se réjouit de ces paroles et de ce qu’il n’était pas tenu d’avouer ces tentations, surtout qu’il avait honte de s’en confesser chaque jour, ce qui aggravait son tourment. Il admira la sainteté du Père qui, par le Saint-Esprit, avait ainsi connu ces tentations. En effet il ne s’en était ouvert qu’à des prêtres, et il en avait changé souvent parce qu’il rougissait de dévoiler à un seul confesseur l’étendue de son infirmité et de ses tentations. Et aussitôt que le bienheureux François lui eut parlé, il fut délivré de cette grande épreuve intérieure et extérieure dont il avait souffert si longtemps. Par la grâce de Dieu et les mérites du bienheureux, il vécut en grande paix et quiétude de l’âme et du corps.
[1] A la Portioncule (cf. n° précédent).
[2] Guido II, le même qui présida à la renonciation totale de saint François : 1 C 14.
[3] Par le compagnon particulier que François avait dans son « ermitage ».
[4] Même formule qu’au n° 5. Est-ce le même frère ? Serait-ce le frère Bernard (infra n° 108) ou encore le
scrupuleux Léon ?