PREDICTION D’UNE CONVERSION
- Un jour, le bienheureux François se rendait à Celle de Cortone et suivait la route qui passe au pied d’un bourg fortifié appelé Lisciano. Il était prés du couvent des frères de Preggio, quand une noble dame de ce bourg accourut pour lui parler, Un des compagnons du saint, s’étant retourné, aperçut cette dame bien fatiguée qui avançait en grande hâte. Il courut au bienheureux et lui dit : « Père, pour l’amour de Dieu, attendons cette dame qui nous suit et se donne tant de mal pour s’entretenir avec toi ! »
Le bienheureux François, en homme de cœur et plein de pitié, l’attendit. Lorsqu’il la vit tout épuisée venir à lui avec grande ferveur et grande dévotion, il lui dit : « Etes-vous mariée ou
libre ? » – « Père, dit-elle, il y a longtemps que le Seigneur m’a donné la volonté bien arrêtée de le servir. J’ai eu et j’ai encore un grand désir de sauver mon âme ; mais mon mari est si cruel pour moi et pour lui, qu’il m’est un obstacle dans le service du Christ ; aussi la douleur et l’angoisse affligent-elles mon âme jusqu’à la mort !» Le saint, considérant sa ferveur, sa jeunesse et sa fragilité, fut ému de pitié pour elle. Il la bénit en disant : « Allez : vous trouverez votre mari chez vous ; vous lui direz de ma part que je vous prie, lui et vous, de sauver voire âme dans votre maison pour l’amour de Notre Seigneur qui, pour nous sauver, souffrit la Passion de la Croix. »
Elle s’en alla, rentra chez elle, et y trouva son mari comme l’avait dit le saint, « D’où viens-
tu ? » lui demanda-t-il. – « Je viens, répondit-elle, de voir le bienheureux François. Il m’a bénie, et ses paroles ont réjoui et consolé mon âme dans le Seigneur. En outre, il m’a ordonné de te dire de sa part : Je t’en prie, sauvons nos âmes tout en continuant d’habiter notre maison, » A ces mots, la grâce de Dieu descendit en lui aussitôt, par les mérites du bienheureux François. Il répondit avec beaucoup de bonté et de douceur, complètement transformé soudain par le Seigneur : « Dame, dès aujourd’hui servons le Christ selon tes désirs, et sauvons nos âmes comme l’a dit le saint ! » Et sa femme lui dit : « Seigneur, il me semble bon que nous vivions dans la chasteté, car c’est une vertu très agréable à Dieu et qui procure grande récompense. » Le mari répondit : « Puisque tu le veux, je le veux aussi, car en cela comme en toute bonne oeuvre, je veux conformer ma volonté à la tienne. »
A partir de ce jour et pendant de nombreuses années, ils vécurent dans la chasteté, faisant beaucoup d’aumônes aux frères et aux pauvres. Beaucoup de gens, non seulement des séculiers mais des religieux, demeuraient stupéfaits de voir la sainteté de cet homme, si vite devenu spirituel, de mondain qu’il était. Le mari et sa femme persévérèrent jusqu’à la fin dans ces bonnes oeuvres et autres semblables. Puis ils moururent à peu de jours d’intervalle, On les pleura beaucoup à cause du rayonnement de leur vie et du bon exemple qu’ils avaient donné en louant et en bénissant le Seigneur qui leur avait accordé, entre autres grâces, celle de le servir en parfaite union de cœur. Aujourd’hui encore ceux qui les ont connus se souviennent et parlent d’eux comme de deux saints.