LÉGENDE DE PÉROUSE 17

DERNIERES VOLONTÉS

  1. En ce temps-là, et dans la cellule même où le bienheureux François avait ainsi parlé au seigneur Bonaventure, il lui arriva un soir d’être pris de vomissements dus à ses maux d’estomac. Les efforts qu’il faisait étaient si violents qu’il se mit à rendre du sang, et cela pendant toute la nuit jusqu’au matin. Ses compagnons, voyant sa faiblesse et les douleurs causées par sa maladie, crurent qu’il allait mourir. Avec un immense chagrin ils lui dirent en pleurant : « Père, qu’allons-nous devenir ? Bénis-nous, ainsi que tous les autres frères. Et laisse à tes enfants l’expression de tes dernières volontés afin que, si le Seigneur veut te retirer de ce monde, les frères puissent les conserver en mémoire et dire : « Voici les paroles que notre Père, en mourant, a laissées à ses fils et à ses frères. » Le bienheureux leur dit : « Appelez-moi frère Benoît de Piracro[1]. » Ce frère était prêtre, homme de jugement, saint et ancien dans l’Ordre. C’était lui qui parfois, dans cette cellule même, célébrait la messe pour le bienheureux François. En effet, bien qu’il fût malade, le saint voulait toujours, quand il le pouvait, entendre la messe de tout son cœur et de toute son âme. Et quand ce frère fut près de lui, le bienheureux François lui dit : « Ecris que je bénis tous mes frères, ceux qui sont dans l’Ordre et ceux qui, jusqu’à la fin du monde, y entreront. »

Le bienheureux avait coutume, en effet, quand les frères étaient réunis, de bénir à la fin du chapitre et d’absoudre tous les frères, ceux qui étaient présents, ceux de tout l’Ordre, et même ceux qui devaient y entrer par la suite. Et ce n’était pas seulement lors des chapitres, mais très fréquemment, qu’il bénissait tous les frères, ceux qui étaient dans l’Ordre et ceux qui y viendraient.

Et le bienheureux François leur dit donc : «  Puisque ma faiblesse et mes souffrances m’empêchent de parler, je résumerai en trois mots pour mes frères ma volonté : en mémoire de ma bénédiction et de mon testament, qu’ils s’aiment toujours entre eux et se respectent les uns les autres ; qu’ils aiment et qu’ils respectent toujours ma dame la sainte pauvreté ; que toujours ils soient fidèles et soumis aux prélats et à tous les clercs de notre mère la sainte Eglise. » Il recommanda ensuite aux frères de craindre et d’éviter le mauvais exemple. Enfin il maudit tous ceux qui, par leurs funestes mauvais exemples, provoqueraient les hommes à dire du mal de l’Ordre et de la vie des frères, même des frères bons et saints, qui en éprouveraient alors bien de la honte et de la peine[2].

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[1] C’est ici le seul témoignage sur l’existence et l’activité de ce frère (encore son origine est-elle diversement signalée dans les parallèles : Prato, Piratro…). – Le frère Léon, secrétaire, confesseur et aumônier habituel, était probablement absent. – Frère Pacifique, lui, assistait à la scène : cf. 2 C 137.

[2] Il bénit… il recommanda… il maudit… : Bénédiction, exhortation et malédiction de saint François suivent encore, au réfectoire ou en chapitre, la lecture de la Règle et du Testament.

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