Le retour des Recollets en France

Au cours de la seconde moitié du XIX e siècle, les frères mineurs – qui désormais se font appeler « franciscains » – opèrent leur retour en France continentale grâce à une double série de fondations. Du Pays basque (Saint-Palais), les observants, sous la houlette du père Joseph Aréso, remontent progressivement vers le nord-est, jusqu’à Amiens puis Metz, tandis que, depuis les rives de la Méditerranée, des récollets, issus du couvent de Cimiez (dans le comté de Nice, français à partir de 1860), gagnent l’Atlantique et la Manche, et s’implantent à Caen, Saint-Nazaire et Rennes. Ces deux lignées de fondations dessinent comme une croix de Sai–nt-André sur notre pays et elles sont à l’origine de cinq des six provinces franciscaines que compte la France au XX e  siècle : Aquitaine (Saint- 
Louis), Ouest (Saint-Denis), France (Saint-Pierre), Strasbourg (Saint-Pascal) et Lyon (Saint-Bernardin). Cette séance de séminaire est consacrée à l’histoire de la moins connue de ces lignées, à savoir celle des récollets, avec, comme bornes chronologiques, 1816 – lorsque les frères reprennent la vie régulière à Cimiez – et 1889, année qui marque la partition de la vaste entité récollette en deux provinces, Saint-Denis et Saint-Bernardin. Voici quelques points qui retiendront notre attention :
– les religieux partis de Cimiez sont en réalité des Riformati, et, jusqu’en 1897, l’année de l’« union léonine », ils le restent dans l’organigramme de l’ordre. En revanche, dans leur communication avec le grand public, et notamment les tertiaires, les frères adoptent le nom de récollets. De même, ils s’attachent à récupérer, chaque fois qu’ils en ont l’occasion, l’héritage récollet d’Ancien régime.
– la progression récollette vers le nord-ouest de la France comporte deux
«sauts» successifs, lourds de conséquence : d’une part, en 1852, la translation de Cimiez à Avignon, qui rend possible un développement dans le sud-est, et d’autre part, en 1856, le bond entre Avignon et Caen (au terme de presque deux jours de train), qui donne accès aux terres de chrétienté de l’ouest de la France.
– L’implantation à Caen enclenche un long processus de distanciation entre les pôles nord et sud de la province Saint-Bernardin, érigée en 1861. Seuls quelques religieux semblent bien s’acclimater hors de leur région d’origine (les niçois Félix de Breil et Raymond de Tourrettes). Le divorce s’accentue avec les  expulsions de 1880 et conduit inexorablement à la séparation de 1889. La nouvelle province Saint-Bernardin (sud-est) compte alors 65 religieux en 6 couvents, et la province Saint-Denis (nord-ouest), 103 religieux en 7 couvents.
– Pour construire leurs couvents, les frères doivent pouvoir s’appuyer sur des réseaux de bienfaiteurs. Dans le sud-est, ils bénéficient de l’assistance de fraternités du Tiers-Ordre qui ont traversé presque sans encombre la Révolution, alors que, dans le nord-ouest, ils sont soutenus par des notables catholiques souvent d’origine noble. La construction du couvent de Saint-Nazaire en est un parfait exemple.
– Avec cette configuration en croix de Saint-André, les récollets ne vont pas
tarder à croiser les observants. Entre les deux familles franciscaines, on note un certain nombre de points de contact, qui peuvent devenir des objets de friction :
la direction des congrégations des tertiaires, les revues (échec en 1870 de la
fusion entre l’Année franciscaine et Les Annales du Tiers-Ordre), des projets
éditoriaux, ou encore l’accompagnement des clarisses et des sœurs franciscaines (Perrou).
– Finalement nous nous interrogerons sur l’identité de ces Riformati/récollets. En quoi se distingue-t-elle de celle des observants ? Nous évoquerons pour terminer l’union de 1897 et ses conséquences en France.

Pierre Moracchini
École franciscaine de Paris

 

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