FIORETTO 26

CHAPITRE 26

COMMENT SAINT FRANÇOIS CONVERTIT TROIS LARRONS HOMICIDES QUI SE FIRENT FRÈRES, ET DE LA TRÈS NOBLE VISION QUE VIT L’UN D’EUX, QUI FUT UN TRES SAINT FRÈRE [1].

Saint François allait une fois par le territoire de Borgo San Sepolcro [2], et comme il passait par un village qui s’appelait Monte Casale [3], un jeune homme noble et très délicat vint à lui et lui dit : « Père, je voudrais bien volon­tiers être de vos frères. » Saint François répondit : « Mon fils, tu es jeune, délicat et noble ; peut-être ne pourras-tu pas supporter notre pauvreté et notre rigueur. » Il répon­dit : « Père, n’êtes-vous pas des hommes comme moi ? Donc, comme vous supportez cela, ainsi le pourrai-je avec la grâce du Christ. » Cette réponse plut beaucoup à saint François ; aussi, le bénissant, il le reçut immédiatement dans l’Ordre et lui donna le nom de frère Ange [4]. Et ce jeune homme se comporta si gracieusement que, peu de temps après, saint François le fit gardien du couvent dudit Monte Casale.

En ce temps-là trois larrons fameux fréquentaient dans la contrée, et dans la contrée faisaient beaucoup de mal ; ils vinrent un jour audit couvent des frères et prièrent ledit frère Ange, gardien, de leur donner à manger. La gardien leur répondit de cette manière en les reprenant avec âpreté : « Vous, larrons et cruels assassins, vous n’avez pas honte de voler le fruit des fatigues d’autrui, mais encore, présomp­tueux et effrontés que vous êtes, vous voulez dévorer les aumônes qui sont envoyées aux serviteurs de Dieu, vous qui n’êtes même pas dignes que la terre vous porte, car vous n’avez aucun respect ni pour les hommes ni pour Dieu qui vous a créés ; allez donc à vos affaires et ne paraissez plus ici. » Fort troublés par ces paroles, ils s’en allèrent en grande indignation.

Et voici que saint François revint du dehors avec une besace de pain et un petit vase de vin qu’il avait mendiés avec son compagnon ; et comme le gardien lui rapportait comment il avait chassé ces gens-là, saint François le reprit vivement et lui dit : « Tu t’es conduit avec cruauté, car on ramène mieux les pécheurs à Dieu par la douceur que par de cruels reproches ; c’est pourquoi notre maître Jésus-Christ, dont nous avons promis d’observer l’Evangile [5], dit que le médecin est nécessaire non aux bien portants mais aux malades, et qu’il n’était pas venu appeler les justes mais les pécheurs à la pénitence ; et pour cela il mangeait sou­vent avec eux [6]. Puis donc que tu as agi contre la charité et contre le saint Evangile du Christ, je t’ordonne, au nom de la sainte obéissance, de prendre immédiatement cette besace de pain que j’ai mendié et ce petit vase de vin, et de courir diligemment après eux par monts et par vaux jusqu’à ce que tu les trouves, et de leur offrir de ma part tout ce pain et ce vin ; puis tu t’agenouilleras devant eux, et tu leur confesseras humblement ta cruauté, et tu les prieras ensuite de ma part de ne plus faire le mal, mais de craindre Dieu et de ne plus offenser leur prochain ; et s’ils font cela je leur promets de subvenir à leurs besoins et de leur donner tou­jours à manger et à boire. Et quand tu leur auras dit cela humblement, tu reviendras ici. » Pendant que ledit gardien allait exécuter les ordres de saint François, il se mit en prière et il supplia Dieu d’adoucir le cœur de ces larrons et de les ramener à la pénitence.

L’obéissant gardien les rejoint, leur offre le pain et le vin, fait et dit ce que saint François lui a ordonné. Et comme il plut à Dieu, ces larrons, tout en mangeant les aumônes de saint François, commencèrent à se dire entre eux : « Malheur à nous, misérables infortunés que nous sommes ! Comme sont dures les peines de l’enfer qui nous attendent, nous qui allons non seulement battant notre pro­chain, le frappant, le blessant, mais même le tuant ; et cependant de tant de maux et d’actions scélérates que nous commettons, nous n’avons aucun remords de conscience, nous n’avons nulle crainte de Dieu. Et voilà ce saint frère qui est venu à nous et qui, pour quelques paroles qu’il nous avait dites justement à cause de notre méchanceté nous a humblement avoué sa faute, et nous a en outre apporté du pain et du vin et une si généreuse promesse du père saint. Vraiment ces frères sont des saints de Dieu qui méritent le paradis, et nous, nous sommes des fils de l’éternelle perdi­tion, qui méritons les peines de l’enfer ; et chaque jour nous aggravons notre perdition, et nous ne savons pas si des péchés que nous avons commis jusqu’ici nous pourrons obtenir miséricorde de Dieu. » Et l’un d’eux disant ces paroles et d’autres semblables, les deux autres dirent : « Certes, tu dis la vérité ; mais alors que devons-nous faire ? » – « Allons à saint François », dit le premier, « et s’il nous donne l’espérance de pouvoir obtenir de Dieu miséricorde pour nos péchés, faisons ce qu’il nous comman­dera : puissions-nous délivrer nos âmes des peines de l’enfer. »

Ce conseil plut aux autres ; et ainsi tous trois étant d’accord, ils s’en viennent en hâte à saint François et lui disent : « Père, pour de nombreux et abominables péchés que nous avons commis, nous ne croyons pas pouvoir obte­nir miséricorde de Dieu ; mais si tu as quelque espoir que Dieu nous reçoive dans sa miséricorde, voici que nous som­mes prêts à faire ce que tu nous diras et à faire pénitence avec toi. » Alors saint François, les recevant charitablement et avec bonté, les encouragea par beaucoup d’exemples, les assura de la miséricorde de Dieu, leur montrant comment cette miséricorde est infinie : eussions-nous commis des péchés infinis, la divine miséricorde serait encore plus grande, et selon l’Evangile et l’Apôtre saint Paul [7], le Christ béni est venu en ce monde pour racheter les pécheurs.

Par ces paroles et de semblables enseignements, lesdits larrons renoncèrent au démon et à ses oeuvres, saint Fran­çois les reçut dans l’Ordre et ils commencèrent à faire grande pénitence. Et deux d’entre eux vécurent peu après leur conversion et s’en allèrent au paradis ; mais le troisième survécut et, repensant à ses péchés, il se mit à faire une telle pénitence que, pendant quinze ans continus, sans parler des carêmes communs qu’il faisait avec les autres frè­res [8], le reste du temps il jeûnait toujours trois jours par semaine au pain et à l’eau, il allait toujours pieds nus, une seule tunique sur le dos, et il ne dormait jamais après Mati­nes. Entre temps saint François passa de cette misérable vie.

L’autre ayant donc continué une telle pénitence pendant plusieurs années, voici qu’une nuit il lui vint après Matines une si grande envie de dormir qu’il ne pouvait en aucune façon résister au sommeil et veiller comme d’habitude. Fina­lement, ne pouvant ni résister au sommeil ni prier, il se jeta sur son lit pour dormir ; et aussitôt qu’il y eut posé la tête, il fut ravi et mené en esprit sur une très haute montagne où il y avait un abîme très profond, et çà et là des rochers bri­sés et escarpés d’où jaillissaient des aiguilles de diverses hauteurs, en sorte que l’aspect de cet abîme était effroyable à regarder. Et l’ange qui conduisait ce frère le poussa vio­lemment et le jeta dans cet abîme ; et lui, bondissant et se heurtant d’aiguille en aiguille et de rocher en rocher, il arriva enfin au fond de cet abîme, tout rompu et brisé lui semblait-il. Et comme il gisait à terre en si misérable état, celui qui le conduisait dit : « Lève-toi, car il te faut faire encore un grand voyage. » Le frère répond : « Tu me parais un homme très déraisonnable et cruel, toi qui me vois mou­rant de cette chute qui m’a ainsi brisé, et qui me dis : « Lève-toi. » Et l’ange s’approche de lui et, en le touchant, lui remet parfaitement tous ses membres et le guérit. Puis il lui montre une grande plaine remplie de pierres aiguës et tranchantes, d’épines et de ronces, et lui dit qu’il lui faut passer pieds nus par toute cette plaine jusqu’à ce qu’il arrive au bout, où il voyait une fournaise ardente dans laquelle il lui fallait entrer.

Le frère ayant traversé toute cette plaine avec grandes angoisses et souffrances, l’ange lui dit : « Entre dans cette fournaise, car il faut que tu le fasses. » L’autre répond : « Hélas, combien tu m’es un guide cruel, toi qui me vois presque mort pour avoir traverser cette plaine terrifiante, et qui maintenant pour tout repos, m’ordonnes d’entrer dans cette fournaise ardente. » Et comme il regardait, il vit autour de la fournaise beaucoup de démons ayant en main des fourches de fer avec lesquelles, comme il hésitait à entrer, ils le poussèrent brusquement dedans.

Entré qu’il fut dans la fournaise, il regarde et y voit un homme qui avait été son compère, et qui brûlait tout entier. Et il lui demande : « O compère infortuné, comment es-tu venu ici ? » Et il répond : « Va un peu plus avant et tu trouveras ma femme, ta commère, qui te dira la cause de notre damnation. » Le frère étant allé plus outre, voici que lui apparut ladite commère toute embrasée, enfermée dans une mesure à grains toute de feu ; et il lui demande : « O commère infortunée et misérable, pourquoi es-tu venue en un si cruel tourment ? » Elle lui répond : « Parce qu’au temps de la grande famine que saint François a prédite autrefois [9], mon mari et moi nous avons fraudé sur le grain et le blé que nous vendions dans une mesure, et pour cela je brûle resserrée dans cette mesure [10]. »

Ces paroles dites, l’ange qui conduisait ce frère le poussa hors de la fournaise et lui dit : « Prépare-toi à faire un hor­rible voyage que tu as à accomplir. » Et celui-ci disait en gémissant : « O très dur conducteur, qui n’as de moi aucune pitié, tu vois que je suis presque tout brûlé dans cette fournaise, et tu veux me mener encore dans un voyage périlleux et horrible. » Et alors l’ange le toucha et le rendit sain et fort.

Puis il le conduisit à un pont que l’on ne pouvait passer sans grand danger, parce qu’il était très mince et étroit et très glissant sans parapets sur les côtés [11] ; et dessous passait un fleuve terrible, plein de serpents, de dragons et de scor­pions, et qui répandait une très grande puanteur. Et l’ange lui dit : « Passe ce pont, car il te faut absolument le pas­ser. » L’autre répond : « Dans ce fleuve dangereux ? » L’ange dit : « Viens après moi et pose ton pied où tu verras que je poserai le mien, et ainsi tu passeras sans encombre. » Ce frère passe derrière l’ange comme il le lui avait enseigné jusqu’à ce qu’il arrive au milieu du pont ; mais comme il était en ce milieu, l’ange s’envola et, le quittant, s’en alla sur une très haute montagne fort au-delà du pont. L’autre examina bien le lieu où l’ange s’était envolé ; mais restant sans guide et regardant en bas, il voyait ces terribles bêtes se tenir la tête hors de l’eau, la gueule ouverte, prêtes à le dévorer s’il tombait ; et il était plongé dans une telle terreur qu’il ne savait en aucune façon ni que faire ni que dire, car il ne pouvait ni revenir en arrière ni aller en avant.

Voyant donc qu’il était en une telle tribulation et qu’il n’avait d’autre refuge que Dieu seul, il se baissa, embrassa le pont et de tout son cœur, en pleurant, il se recommanda à Dieu afin que par sa très sainte miséricorde il daignât le secourir. Sa prière faite, il lui parut qu’il commençait à lui pousser des ailes ; il en eut une très grande joie et attendit qu’elles fussent assez grandes pour lui permettre de voler au-delà du pont, là où l’ange s’était envolé. Mais après quelque temps, à cause du très grand désir qu’il avait de traverser ce pont, il se mit à voler ; et parce que ses ailes n’avaient pas encore poussé, il tomba sur le pont et ses plu­mes tombèrent : par suite, il embrassa de nouveau le pont et comme la première fois il se recommanda à Dieu. Sa prière faite, il lui parut encore qu’il lui poussait des ailes mais comme la première fois il n’attendit pas qu’elles eus­sent parfaitement grandi ; il se mit donc à voler trop tôt, et il retomba de nouveau sur le pont et ses plumes tombèrent. C’est pourquoi, voyant que par la hâte qu’il avait de voler trop tôt il tombait ainsi, il commença à se dire en lui-même : « Certainement, s’il me pousse des ailes une troi­sième fois, j’attendrai qu’elles soient assez grandes pour que je puisse voler sans retomber. » Comme il était dans ces pensées, il voit pour la troisième fois qu’il lui pousse des ailes ; et il attend longtemps jusqu’à ce qu’elles soient assez grande ; et il lui semblait que durant la première, la seconde et la troisième venue de ses ailes, il avait bien attendu cent cinquante ans ou même plus. A la fin, il se lève pour la troisième fois et prend son vol de tout son effort ; et il s’envola en haut jusqu’au lieu où l’ange s’était lui-même envolé.

Et comme il frappait à la porte du palais dans lequel il se trouvait, le portier lui demanda : « Qui es-tu, toi qui es venu ici ? » Il répondit : « Je suis un frère Mineur. » Le portier dit : « Attends-moi, car je veux amener ici saint François pour voir s’il te connaît. » Pendant qu’il allait chercher saint François, l’autre commença à regarder les merveilleuses murailles de ce palais et voici qu’une telle clarté rendait ces murailles transparentes qu’il voyait distinc­tement les chœurs des Saints et ce qui se passait à l’inté­rieur. Et comme à cette vue il demeurait stupéfait, voici venir saint François et frère Bernard et frère Gilles, et der­rière saint François une telle multitude de Saints et de Sain­tes qui avaient suivi la même vie, qu’ils paraissaient presque innombrables. Saint François en arrivant dit au portier : « Laisse-le entrer, car il est de mes frères. »

Aussitôt qu’il fut entré, il sentit tant de consolation et tant de douceur qu’il oublia toutes les tribulations qu’il avait subies, comme si elles n’avaient jamais existé. Et alors saint François le conduisit à l’intérieur et lui montra beaucoup de choses merveilleuses puis il dit : « Fils, il te faut retourner dans le monde, et tu y passeras sept jours, pen­dant lesquels tu te prépareras avec grand soin et grande dévotion, car au bout de sept jours j’irai te chercher et alors tu viendras avec moi dans ce séjour des bienheu­reux. » Saint François était revêtu d’un merveilleux man­teau, orné de très belles étoiles, et ses cinq Stigmates parais­saient comme cinq très belles étoiles et de tant de splendeur que de leurs rayons elles illuminaient tout le palais. Et frère Bernard avait sur la tête une couronne de très belles étoiles, et frère Gilles était orné d’une merveilleuse lumière [12] ; et il reconnut parmi eux beaucoup d’autres saints frères, qu’il n’avait jamais vus dans le monde. Saint François l’ayant donc congédié, il retourna dans le monde bien malgré lui.

Comme il se réveillait et revenait à soi et reprenait ses sens, les frères sonnaient Prime, en sorte qu’il n’était resté dans cet état que de Matines à Prime [13], quoiqu’il lui parût y avoir été beaucoup d’années. Il raconta à son gardien toute cette vision en détail, et dans les sept jours, il com­mença à être pris de fièvre ; et le huitième jour, saint Fran­çois vint à lui, selon sa promesse, avec une très grande mul­titude de Saints glorieux, et il emmena son âme [14] au royaume des bienheureux, à la vie éternelle.

A la louange du Christ. Amen.

Chapitre 27

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[1] Actus, 29 ; titre : De trois larrons convertis par saint François, et à l’un desquels ont été révélées les peines de l’enfer et la gloire du paradis. Ce récit se divise en deux parties bien distinctes : la conversion des voleurs et la vision. La source de la première se trouve certainement dans un épi­sode rapporté par la Légende de Pérouse, 90, et qui a passé à peu près textuellement dans le Speculum perfectionis, 66. Barthélemy de Pise, dans son traité des Conformités, XI, 2e partie, éd. c., IV, p. 509, a juxtaposé les deux récits en commençant par celui des Actus et en introduisant celui de la Legenda antiqua par ces mots : « … d’autres larrons. »

[2] Borgo San Sepolcro est sur la route de Città di Castello à l’Alverne. Saint François stigmatisé y passa à sa descente de l’Alverne et, ravi en Dieu, ne s’aperçut pas qu’il avait traversé le village, bien qu’une grande foule l’ait entouré en criant : « Voici le Saint, voici le Saint ! » et en le touchant, IVe Considération sur les Stigmates ; cf. 2 C 98 ; LM 10 2. Saint François y aurait fondé un couvent en 1213, cf. P.N. Cavanna, 1. c., p. 271 et suiv.

[3] Petit couvent, à deux heures de marche environ au-dessus de Borgo San Sepolcro, fondé aussi, dit-on, en 1213 par saint François. Thomas de Celano (2 C 202) et après lui saint Bonaventure (LM 6 7), relatent, à propos de la dévotion de saint François aux reliques, qu’il a passé Monte Casale. Sur les souvenirs franciscains de ce couvent, cf. P.N. Cavanna, 1. c., p. 275 et suiv.

[4] Ce frère aurait appartenu à la famille des comtes Tarlati.

[5] Cf. Règle de 1210-1221 (1 Reg 1) ; Règle de 1223 (2 Reg 1).

[6] Mt 9 12-13 ; Lc 5 30-32 ; Règle de 1210-1221 (1 Reg 5), où est cité le texte évangélique. L’épisode n’est d’ailleurs qu’un commentaire de ce passage de la même Règle, chap. 7 : « Et quiconque viendra vers les frè­res, ami ou ennemi, voleur ou brigand, qu’il soit reçu avec bonté. »

[7] 1 Tm 1 15.

[8] De la Toussaint à Noël et de l’Epiphanie à Pâques, d’après la Règle de 1210-1221 (1 Reg 3). La Règle de 1223 rendit facultatif le carême qui « commence à l’Epiphanie pour se prolonger pendant quarante jours… ».

[9] Famine de 1227 ; sur sa prédiction, cf. 2 C 52-53.

[10] Pour les fraudes sur les mesures, cf. Dante, Purgatoire, XII, 105. Paradis, XVI, 105. Le supplice de la « commère » est en rapport direct avec son péché, comme ceux de l’enfer et du purgatoire de Dante ; elle a diminué la mesure, dans une mesure étroite elle est resserrée :

Cosi s’osserva in me lo contrapasso,

ainsi s’observe en moi la loi du talion, dit un damné dantesque, Enfer, XVIII, 142. Tout cet épisode du « compère » et de la « commère » ne se trouvait pas dans le texte des Actus publié par Paul Sabatier, où il était dit seulement que le frère « resta quelque temps dans le feu ». On pen­sait qu’il avait été ajouté par l’auteur des Fioretti ; mais l’original latin a été retrouvé dans le manuscrit de M. A.-G. Little, voir Opuscules de cri­tique historique, fasc. XVIII, p. 19.

[11] Ce dernier détail, qui n’existe pas dans le texte des Actus, semble avoir été ajouté par l’auteur des Fioretti.

[12] Frère Gilles étant mort le dernier, en 1261 ou en 1262, le récit de cette vision n’a pu être écrit qu’après cette date, alors que la vision elle-même aurait eu lieu une quinzaine d’années après la conversion des larrons, soit vers 1230. L’épisode de la conversion, tel que nous le lisons dans la Légende de Pérouse, qui est antérieure à la Seconde Légende de Thomas de Celano, soit à 1246, a donc été remanié et complété à une époque plus tardive.

[13] De la fin de la nuit, avant l’aube, jusqu’au lever du soleil.

[14] Le texte des Actus présente ici une variante qui mérite d’être signalée : «… l’âme de ce frère purifiée par cette vision sous la conduite de l’ange ». Le sens allégorique de la vision y est bien marqué, et c’est le même que celui de la Divine Comédie. On sait que les récits de voyages en outre-tombe abondent dans la littérature du Moyen Age, et la ques­tion de savoir dans quelle mesure certains d’entre eux ont pu être utilisés par Dante et lui servir de sources, a été très minutieusement étudiée et demeure très discutée. Il ne semble pas qu’il existe aucun rapport direct, ni dans un sens, ni dans l’autre, entre la Comédie et la vision des Actus : les ressemblances ne sont que des lieux communs du genre.

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