VITA SECUNDA 75

CHAPITRE 45

RÉPRIMANDE A UN FRÈRE QUI NE VOULAIT PAS MENDIER.

  1. « Un vrai Frère Mineur, disait souvent le bienheureux François, ne devrait jamais hésiter à partir pour la quête ; et plus mon fils est noble, plus il y met d’empressement, car ainsi augmentent ses mérites. »

Il y avait dans un couvent un frère sur lequel il ne fallait pas compter pour la quête, mais qui en valait bien trois ou quatre pour manger. Le saint, voyant qu’il était à ce point ami de son ventre et prenait sa part du profit sans participer au travail, le reprit un jour en ces termes : « Va ton chemin, frère mouche[1] car tu veux te nourrir de la sueur de tes frères mais rester inactif sur le chantier du Seigneur. Tu ressembles à frère frelon qui laisse travailler les abeilles mais veut être le premier à manger leur miel. » Cet homme charnel, voyant sa gloutonnerie découverte, rejoignit le monde qu’en réalité il n’avait pas encore abandonné ; il sortit de l’Ordre.

Ainsi ne fut plus compté au nombre des frères celui qui ne comptait pour rien lorsqu’il s’agissait de quêter ; celui qui en valait plusieurs à table finit par égaler une légion de démons.

Table des chapitres

 

[1] Dans la chaleur italienne, les mouches sont bien fastidieuses pour les pauvres travailleurs sales et suants. On comprend l’aversion de saint François pour cet animal que les chroniqueurs du temps accablent d’épithètes peu flatteuses : inquiéta, insolens, importuna, etc., c’est-à-dire horripilante.

 

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