CHAPITRE 36
CHATIMENT D’UN FRÈRE QUI RAMASSA UN JOUR DE L’ARGENT.
- Deux frères cheminaient ensemble et n’étaient plus très loin d’un hôpital de lépreux ; ils aperçurent un denier sur la route et s’arrêtèrent pour décider du sort de ce fumier. L’un des deux, se moquant des scrupules de son compagnon, se baissait déjà pour prendre la pièce afin de l’offrir aux infirmiers des lépreux. L’autre l’en empêcha, lui exposant qu’il se laissait abuser par une fallacieuse pitié et rappelant à ce téméraire le passage de la Règle, d’après lequel la conduite à tenir ne faisait pas de doute : on devait fouler aux pieds comme de la poussière l’argent qu’on venait de rencontrer[1]. Le premier, têtu comme à son ordinaire, ne voulut rien entendre : au mépris de la Règle, il se baissa et saisit la pièce.
Mais il ne put échapper à la vengeance divine : sur-le-champ il se mit à grincer des dents et ne pouvait plus articuler un mot. Voilà comment un insensé reçut son châtiment, voilà comment un orgueilleux apprit à obéir aux ordres de son Père. Il se débarrassa finalement de ce fumier ; ses lèvres souillées, lavées par les eaux de la pénitence, retrouvèrent leur libre jeu et lui servirent à louer Dieu qui l’avait châtié. Tant est vrai le vieux dicton : Corrige l’insensé, il deviendra ton ami.