VITA SECUNDA 199-200

CHAPITRE 151

SA DÊVOTION A NOËL ET COMMENT IL VOULAIT QUE PERSONNE N’AIT FAIM CE JOUR-LÀ.

199. Plus que toute autre solennité, il célébrait Noël avec une joie ineffable, disant que c’était la fête des fêtes, car en ce jour Dieu s’était fait petit enfant et avait sucé le lait comme tous les enfants des hommes. Il embrassait – avec quelle ferveur et quelle avidité ! – les images représentant L’Enfant Jésus ; de compassion, il balbutiait comme les enfants quelques paroles de tendresse ; le nom de Jésus était à ses lèvres doux comme le miel1.

Un jour de Noël, qui tombait un vendredi, on discutait pour savoir si l’on mangerait de la viande ; il répondit au frère Morico : « Frère, c’est un péché d’appeler «Jour de Vénus2 » le jour où l’Enfant nous est né. Je voudrais qu’en cette fête les murs eux-mêmes puissent manger de la viande, ou du moins qu’on les frotte de graisse, puisqu’ils ne peuvent manger. »

200. Il désirait que les pauvres et les mendiants soient régalés ce jour-là par les riches, et que les boeufs et les ânes reçoivent une ration supplémentaire d’avoine et de foin. « Si je voyais l’Empereur, disait-il, je le supplierais de publier un édit ordonnant à tous ceux qui le peuvent de semer du grain sur les routes, en ce jour de fête, pour le régal des petits oiseaux et surtout de nos soeurs les alouettes. » Il ne pouvait réprimer ses larmes à la pensée de la misère dont souffrit en ce jour la Vierge pauvre3. Au cours d’un repas, un frère avait évoqué le dénuement de la bienheureuse Vierge et de son Fils ; il se leva aussitôt, pleurant et sanglotant, et il s’assit par terre pour manger le reste de son pain. La pauvreté, à ses yeux, était une vertu royale, puisqu’elle avait brillé d’un tel éclat chez un Roi et chez une Reine.

Et comme les frères lui demandaient un jour en Chapitre quelle vertu les rendrait davantage amis du Christ, il répondit, leur ouvrant pour ainsi dire le secret de son coeur : « Sachez, frères, que la pauvreté est le chemin privilégié du salut ; ses avantages sont innombrables, mais très peu les connaissent. »

Table des chapitres

1 1 C 84-86 et 115. Cf. Pr 16 24.

2 Veneris dies; telle est en effet l’étymologie païenne de notre vendredi. Morico aurait dû employer le terme ecclésiastique ou liturgique : feria sexta.

3 Littéralement : la chère pauvre petite Vierge. Pour le Poverello, Notre-Dame était la Poverella, ce qui donne à sa dévotion un coloris bien original.

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