Vita prima Chapitre 8 n°109-111

Deuxième partie :

CHAPITRE 8

SES DERNIÈRES PAROLES, SES DERNIERS ACTES.

109.- Depuis sa conversion, vingt ans avaient passé ; on savait que telle était la durée fixée par Dieu, car à l’époque où le bienheureux Père séjournait à Foligno avec frère Elie, celui-ci vit apparaître durant le sommeil de la nuit un prêtre âgé, majestueux, vêtu de blanc, qui lui dit : « Lève-toi, frère, et va dire à frère François : il y a dix-huit ans que tu as renoncé au monde pour t’attacher au Christ ; tu n’as plus à vivre que deux ans, après lesquels, suivant la voie de toute chair, le Seigneur t’appellera près de lui. » Ainsi donc allait s’accomplir, à la date fixée, la prédiction du Seigneur.

Il se reposa quelques jours au couvent qu’il avait tant désiré, puis, sachant que sa mort était à bref délai, fit approcher ses deux frères et fils préférés  ; il leur donna l’ordre, puisque sa mort, ou plutôt sa Vie, était si proche, de chanter à haute voix et d’une âme joyeuse, les louanges du Seigneur . Puis il entonna lui-même comme il put le psaume de David  : « De ma voix j’ai crié vers le Seigneur ; de ma voix j’implore le Seigneur. » Un frère qui se trouvait là, et que le saint aimait d’un grand amour , savait que la mort ne tarderait plus ; dans sa sollicitude pour les frères, il se mit à dire :

« Hélas ! très doux Père, voici que tes fils vont rester sans soutien, leurs yeux seront privés de la vraie lumière. Souviens-toi des orphelins que tu abandonnes, pardonne-nous toutes nos fautes et à tous, présents ou absents, donne le réconfort de ta sainte bénédiction !

– Mon fils, dit le saint, voici que Dieu m’appelle. A tous mes frères, présents ou absents, je pardonne leurs fautes et je les en absous autant qu’il est en mon pouvoir. Tu le leur annonceras et tu les béniras pour moi. »

110.- Il fit apporter ensuite l’Evangéliaire et demanda lecture du passage de saint Jean, qui commence par cette phrase : « Six jours avant la Pâque , Jésus, sachant qu’était venue l’heure de quitter ce monde pour aller à son Père… » Or c’était ce passage-là que le Ministre, avant même qu’on le lui eût précisé, avait eu l’intention de lui lire, et c’est aussi le passage qui se présenta de lui-même quand on ouvrit le livre, bien que le volume apporté eût été non pas un évangéliaire, mais une Bible complète . Puis il se fit revêtir d’un cilice et recouvrir de cendre, puisqu’il ne serait bientôt plus que terre et cendre.

Il y avait là rassemblés beaucoup de frères dont il était le Père et le chef ; debout, pleins de respect, ils attendaient son bienheureux trépas. Enfin, son âme très sainte se dégagea de la chair pour être absorbée dans l’abîme de la Lumière, et son corps s’endormit dans le Seigneur. Un de ses frères et disciples – dont je pense devoir taire le nom parce qu’il ne veut retirer du fait aucune gloire durant sa vie – aperçut l’âme du Père très saint monter au ciel tout droit comme une étoile qui aurait eu les dimensions de la lune et l’éclat du soleil, une étoile portée par une blanche nuée au-dessus d’une immense étendue d’eau.

111.- Nous pouvons donc laisser libre cours à nos exclamations : « Quelle gloire ne possède pas ce saint dont l’âme apparut, montant au ciel, à l’un de ses disciples ! Belle comme la lune, resplendissante comme le soleil , elle rayonnait de gloire parmi la nuée. Mais nous voilà maintenant privés de tes rayons lumineux, ô vrai phare du monde, plus éclatant que le soleil dans l’Eglise du Christ ; tu es entré dans la lumière qui est ta patrie ; au lieu de notre misérable compagnie, tu as maintenant celle des anges et des saints. Toi qui mérites tant de louanges, ne délaisse pas tes enfants revêtus encore de la chair dont tu es délivré. Tu sais dans quelle situation difficile tu les as laissés, toi dans la douce présence les réconfortait à chaque moment dans leurs angoisses, toi qui fus si bon, toujours prêt à prendre en pitié et à couvrir de ton pardon tes fils pécheurs. Nous te bénissons, Père que le Très-Haut jugea digne de ses bénédictions, lui le Dieu béni éternellement par-dessus toutes choses, Amen ! »

Les commentaires sont fermés