Vita prima Chapitre 21 n° 58-61

CHAPITRE 21

LE SERMON AUX OISEAUX. LA DOCILITÉ DES CRÉATURES.

58.- Après l’arrivée des nouveaux frères dont nous avons parlé, le bienheureux Père François prit la route et suivit la vallée de Spolète. Comme il approchait de Bevagna, il rencontra, rassemblés par bandes entières, des oiseaux de tout genre : des ramiers, des corneilles et des freux . Sitôt qu’il les vit, il planta là ses compagnons sur la route et courut vers les oiseaux : son amour était si débordant qu’il témoignait même aux créatures inférieures et privées de raison une grande affection et une grande douceur. Arrivé tout près d’eux, il constata que les oiseaux l’attendaient ; il leur adressa son salut habituel , s’émerveilla de ce qu’ils ne se fussent pas envolés comme ils font d’habitude, leur dit qu’ils devaient écouter la parole de Dieu et les pria humblement d’être attentifs.

Il leur dit, entre autres choses : « Mes frères les oiseaux, vous avez bien sujet de louer votre créateur et de l’aimer toujours : il vous a donné des plumes pour vous vêtir, des ailes pour voler, et tout ce dont vous aviez besoin pour vivre. De toutes les créatures de Dieu, c’est vous qui avez meilleure grâce ; il vous a dévolu pour champ l’espace et sa limpidité ; vous n’avez ni à semer ni à moissonner : il vous donne le vivre et le couvert sans que vous ayez à vous en inquiéter. » A ces mots, rapportent le saint lui-même et ses compagnons, les oiseaux exprimèrent à leur façon une admirable joie : ils allongeaient le cou, déployaient leurs ailes, ouvraient le bec et regardaient attentivement. Lui allait et venait parmi eux, frôlait de sa tunique leurs têtes et leurs corps. Finalement, il les bénit, traça sur eux le signe de la croix et leur Permit de s’envoler. Il reprit la route avec ses compagnons et, délirant de joie, rendit grâces à Dieu qui est ainsi reconnu et vénéré par toutes ses créatures.

Il n’était pas simple d’esprit, mais il avait la grâce de la simplicité, aussi s’accusa-t-il de négligence pour n’avoir pas encore jusque là prêché aux oiseaux puisque ces animaux écoutaient avec tant de respect la parole de Dieu. Et à partir de ce jour il ne manquait pas d’exhorter tous les oiseaux, tous les animaux, les reptiles et même les créatures insensibles, à louer et aimer le Créateur , car, à l’invocation du nom du Sauveur, il faisait tous les jours l’expérience de leur docilité.

59.- Il arriva un jour, pour prêcher la parole de Dieu, dans un bourg nommé Alviano. Il grimpa sur un perron pour être mieux vu de tous et demanda le silence ; la foule se tut et attendit respectueusement. Mais une bande d’hirondelles gazouillaient et criaient à tue-tête autour de leurs nids, et le bienheureux François qui n’arrivait pas à se faire entendre les prit à partie : « Mes sœurs hirondelles, vous avez bien assez parlé jusqu’ici ; à mon tour maintenant. Ecoutez la parole du Seigneur, gardez le silence et ne bougez plus jusqu’à ce que j’aie fini de parler du Seigneur !» A la stupeur et à l’émerveillement de tous, elles se turent aussitôt et restèrent en place sans bouger jusqu’à la fin du sermon. Et les gens témoins de ce prodige admiraient et disaient : « Vraiment cet homme est un saint et l’ami du Très-Haut ! » Dans leur dévotion ils se pressaient autour de lui pour au moins toucher ses vêtements, tout en louant et bénissant Dieu.

Et, de fait, quelle merveille de voir combien ces créatures sans raison devinaient l’affection et la tendresse qu’il avait pour elles !

60.- En voici un autre exemple. Il séjournait alors à Greccio ; un frère lui apporta, encore vivant, un levraut pris au collet. A sa vue, le bienheureux fut touché de compassion : « Petit frère levraut, lui dit-il, viens ici. Pourquoi t’es-tu laissé prendre ? » Sitôt lâché par le frère qui le tenait, il se précipita de lui-même vers François et se blottit dans son sein comme en lieu sûr. Le bienheureux Père le caressa un moment avec tendresse, puis lui donna congé pour qu’il regagnât la forêt en toute liberté. Mais on avait beau le mettre à terre, d’un bond il revenait au Père, qui ordonna finalement de le retourner à sa forêt qui était toute proche.

La même scène eut lieu avec un lapereau – un des animaux les plus sauvages pourtant – dans une île du lac de Pérouse .

61.- Il éprouvait les mêmes sentiments pour les poissons et, quand l’occasion s’en présentait, rejetait à l’eau ceux qu’on avait capturés vivants, leur recommandant bien de ne plus se laisser reprendre désormais. Un jour qu’il se trouvait en barque près d’un port du lac de Rieti, un pêcheur vint lui offrir en témoignage de vénération une magnifique tanche qu’il venait de prendre. Il accepta joyeusement et volontiers le poisson, l’appela son frère, et le replaçant dans l’eau entonna les louanges du Seigneur. Tant que dura la prière, le poisson prit ses ébats le long du bateau et ne s’éloigna que lorsque le saint, sa prière terminée, lui eut permis de s’en aller.

C’est ainsi que notre glorieux Père François, parce qu’il marchait lui-même dans la voie de l’obéissance, parce qu’il se pliait volontiers, sans réticence, sous le joug de la soumission, fut jugé digne par Dieu d’être à son tour obéi des créatures.

Durant une grave maladie, il lui arriva de changer l’eau en vin, à l’ermitage Saint-Urbain ; il en but et ses forces lui revinrent si rapidement que tous crurent au miracle ; c’en était un vraiment. Et il était vraiment saint celui qui commandait ainsi aux créatures, transformait à sa guise les éléments eux-mêmes et changeait leur nature et leur destination.

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