Trois Compagnons, Chapitre 1 (n°1-3)

 CHAPITRE 1

SA NAISSANCE. SA FRIVOLITÉ, SON AMBITION ET SA PRODIGALITÉ. LA GÉNÉROSITÉ ET L’AMOUR DES PAUVRES AUXQUELS IL PARVINT.

2.- François, originaire d’Assise, une ville située aux confins de la vallée de Spolète, fut d’abord appelé Jean par sa mère. Mais, peu après, son père, en l’absence de qui il était né, étant revenu de France , le nomma François.

Une fois qu’il eut grandi et qu’il eut développé sa vive intelligence, François exerça le métier de son père, c’est-à-dire le négoce ; mais il le fit d’une manière bien différente car il était plus joyeux et plus généreux que lui. Adonné aux jeux et aux chansons, de jour comme de nuit, il parcourait la ville d’Assise en compagnie de ceux de son âge. Il se montrait si large pour dépenser que tout ce qu’il pouvait avoir ou gagner, il le dilapidait en banquets ou en autres dépenses du même genre .

A cause de cela, ses parents le reprenaient souvent, lui disant qu’il faisait de telles dépenses, pour lui et pour les autres, qu’on le prendrait sûrement pour le fils d’un grand prince et non pour le leur. Mais comme ils étaient riches et qu’ils l’adoraient, ses parents acceptaient tout, ne voulant pas lui faire de la peine. A des voisines qui parlaient de sa prodigalité, sa mère répondit : « Que pensez-vous de mon fils ? Vous verrez qu’il restera bon chrétien, par la grâce ! »

Quant à lui, en tout il était large, ou plutôt prodigue, mais pour ses vêtements, il dépassait vraiment la mesure, se faisant faire des vêtements plus coûteux qu’il n’aurait convenu à son état. En matière de recherche, il était si frivole que, parfois, sur le même vêtement, il faisait coudre ensemble un tissu de grand prix et un autre de peu de valeur .

3.- C’était, pour ainsi dire, tout naturellement qu’il se montrait courtois en actes et en paroles : il avait décidé de ne dire à personne aucun mot injurieux ou honteux ; mieux encore, bien qu’il fût un jeune homme enjoué et dissipé, il se promit de ne rien répondre à ceux qui lui diraient des choses indécentes.

A partir de là, sa renommée se répandit à peu près dans toute la province, au point que la plupart de ceux qui le connaissaient disaient qu’il deviendrait quelqu’un de grand.

Ses vertus naturelles furent le premier échelon d’où il s’éleva à un tel point de grâce que, rentrant en soi-même, il se dit : « Tu es libéral et courtois pour des hommes de qui tu ne reçois rien qu’une sympathie momentanée et vaine, il serait juste que pour Dieu, qui est si généreux dans la récompense, tu sois courtois et libéral pour les pauvres. » A partir de ce moment-là, il voyait volontiers les pauvres et leur faisait l’aumône en abondance. Bien qu’il ne fût qu’un marchand, il se conduisait comme le plus vain des gérants de la richesse de ce monde.

Un jour, tandis qu’il s’activait dans le magasin où il vendait du drap, un pauvre entra et lui demanda l’aumône pour l’amour de Dieu. Retenu par l’appât du gain et la direction du négoce, il lui refusa l’aumône ; mais touché par la grâce divine, il se reprocha d’avoir été grossier : « Si, se dit-il, ce pauvre t’avait demandé quelque chose au nom d’un grand comte ou d’un baron, à coup sûr tu lui aurais donné ce qu’il t’aurait demandé à plus forte raison, pour le Roi des Rois et le Seigneur de tous tu aurais dû le faire. » C’est pour cela qu’il prit la résolution de ne pas refuser désormais ce qu’on lui demanderait au nom d’un si grand Seigneur.

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