SACRUM COMMERCIUM 47-49

DES RELIGIEUX VAINCUS PAR LA TIÉDEUR

  1. « On les vit alors regretter chacun leurs oignons d’Egypte et rechercher mesquinement ce qu’ils avaient abandonné de grand cœur. Ils traînaient, mélancoliques et le cœur sec, le fardeau des commandements ; ils ployaient sous la charge et, manquant d’air pur, respiraient à grand-peine. Rarement pris de mauvaise conscience, et jamais de contrition, ils n’obéissaient qu’en murmurant et ne pensaient qu’à leurs appétits. Leur gaieté s’alimentait au genre douteux, et leur tristesse à la mesquinerie. Ils parlaient à tort et à travers, riaient de tout et de rien, la face hilare et la démarche pédante ; vêtus d’habits de fine étoffe, à la coupe étudiée ; dormant longtemps, mangeant copieusement et buvant d’autant. Ils semaient à tout vent sornettes et balivernes, et se délectaient de fabliaux et de romans. Ils modifiaient la législation, réorganisaient les provinces et se tenaient à l’affût des événements. Ils n’avaient cure des exercices de piété, leurs entretiens d’ordre spirituel étaient rares, et ils ne montraient que tiédeur pour le salut de leur âme.
  2. « Ainsi endurcis, ils commencèrent à se jalouser et à s’exciter mutuellement : l’un voulait régenter l’autre ; un frère, déchaîné, accusait son frère des pires forfaits. Ils évitaient les sujets sérieux, courant après la gaieté futile parce qu’ils étaient bien incapables de trouver la vraie joie. Ils se donnaient l’apparence de la sainteté pour échapper au mépris, et masquaient aux simples, en leur tenant de pieux propos, la misère intime de leur comportement. Mais leur déchéance intérieure était telle que cette trop faible enveloppe, craquant de partout, laissa s’écouler le contenu.
    1.  « Finalement, ils se prêtèrent aux flatteries des laïcs, nouèrent avec eux d’étroites relations et les soulagèrent de leurs bourses pour agrandir leurs couvents et engranger ce qu’ils avaient naguère refusé. Ils vendaient aux riches la bonne parole et leurs hommages aux nobles dames. Ils fréquentaient assidûment les cours des rois et des princes afin d’ajouter maison à maison et d’étendre leurs terress. Et les voilà maintenant puissants et riches en ce monde, parce qu’ils sont allés de mal en mal; de Dieu ils n’ont tenu aucun comptet . C’étaient des enfants morts-nés ; et ces vrais avortons ont le front de me dire : « Nous sommes tes amis ! »

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    t Jr 9 3.

 

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