PIERRE DE JEAN OLIVI

Franciscain de Languedoc, maître en théologie du xiiie siècle, le frère Pierre de Jean Olivi est l’inspirateur du groupe des Spirituels.

Image:ofm_puce.png Pierre de Jean Olivi
théologien
né en 1248, Sérignan
décédé le 12 mars 1298, Narbonne France

Sa vie

Pierre de Jean Olivi, dont le nom exact, en français, est incertain (Pierre Dejean Olieu , ou Pierre Jean Olivi-?), est né à Sérignan (Hérault), en 1248.

Il serait entré chez les Franciscains de Béziers en 1260. On l’envoya plus tard au studium général de [[Paris}} pour sa formation théologique, où il reçut les leçons des disciples de saint Bonaventure ; lui-même, par la suite, revendiquait cette filiation intellectuelle. Après une période d’études théologiques puis d’enseignement de philosophie au sein du studium parisien, il revint dans sa province où il fut chargé d’enseigner ses confrères, dans divers couvents : Narbonne (vers 1276-1279), Montpellier (1279-1283).

En 1279 était parue à Rome la décrétale Exiit qui seminat du Pape Nicolas III, pour répondre à la demande du Chapitre général sur l’interprétation de la Règle, concernant l’observance de la pauvreté. Pendant que la commission chargée de préparer cette bulle était au travail, dans ses Quaestiones de perfectione evangelica, Olivi développa sa conception de « l’usage pauvre » (usus pauper) et devint ainsi le porte-parole de la tendance rigoriste des frères du Midi de la France. Dénoncé, sur ce thème et sur d’autres questions théologiques et philosophique par un confrère, Arnaud Gaillard, également enseignant à Montpellier, une série de thèses extraites des écrits d’Olivi fut censurée par une commission formée de sept théologiens franciscains, maîtres ou bacheliers de l’université de Paris, en mai 1283. Lors du Chapitre général de Montpellier (1287), le Ministre général, Matthieu d’Aquasparta, ancien disciple de Bonaventure, l’envoya enseigner au Couvent de Santa Croce de Florence. Deux ans plus tard, le nouveau ministre général, Raymond Geoffroy, proche d’Olivi de longue date, le faisait revenir à Montpellier. Néanmoins, il dût encore se défendre, avec succès, devant le Chapitre général de Paris (1292) qui le chargea d’enseigner la théologie à Narbonne, où il mourut le 14 mars 1298, laissant une réputation de sainteté, surtout parmi les frères Spirituels. Son tombeau attirait les foules en pèlerinage et on lui attribua quelques miracles.

Son influence après sa mort

Bien que ses écrits ou son enseignement aient été censurés plusieurs fois, durant sa vie, c’est surtout après sa mort que ses écrits sur lesquels s’appuyèrent les Spirituels et les « Béguins » du Languedoc firent l’objet de condamnation, moins pour leur contenu objectif que pour les conséquences de leur utilisation. Dès 1299, soit un an après sa mort, le Chapitre général de Lyon ordonnait de brûler les écrits d’Olivi, considérés comme hérétiques. Plus tard, le Concile de Vienne, en 1312, censurait quelques propositions tirées de ses écrits, mais sans mentionner leur auteur.

Furieux de constater la vénération dont sa tombe était l’objet, à Narbonne, les frères de la communauté décidèrent la destruction de sa sépulture et la dispersion de ses cendres, en 1318. Enfin, en 1326, le Pape Jean XXII condamna plusieurs propositions tirées de son œuvre, en particulier de son grand Commentaire sur l’Apocalypse de Jean][1, comme inspirées par les idées de Joachim de Flore. Déjà le Pape Boniface VIII s’était senti visé par les prédictions d’Olivi annonçant la venue d’un pape hérétique, tandis que la doctrine sur la pauvreté enseignée par Olivi allait à l’encontre des positions de Jean XXII sur la pauvreté du Christ.

Le frère Bernard Délicieux, qui fut sans doute l’élève de Pierre de Jean Olivi, durcit le conflit, dans son opposition à la papauté et à l’inquisition.

Les historiens[2] et théologiens d’aujourd’hui considèrent qu’Olivi n’était pas formellement hérétique, même si certaines de ses idées peuvent paraître aventureuses, et que les censures et condamnations portées contre lui relevaient davantage des querelles de l’époque entre frères de la communauté et frères « Spirituels », et surtout de la politique des papes qui ne pouvaient supporter les contestations de leur pouvoir. Jean XXII venait de déposer le général des Franciscains, Michel de Césène, et devait faire front à l’appel de Louis de Bavière demandant la déposition du Pape (Appel de Sachsenhausen, 1324).

Aujourd’hui, les œuvres de Pierre de Jean Olivi font l’objet d’éditions modernes et d’études qui montrent leur originalité et leur richesse. Les historiens de la pensée le considèrent comme un maillon essentiel entre les grands scolastiques : Bonaventure et Thomas d’Aquin, et les nouveaux penseurs de la fin du XIIIe siècle – début du XIVe siècle. comme bx Jean Duns Scot, et Henri de Gand.

Son œuvre 

Elle est très abondante et variée, encore largement inédite. On peut distinguer :

  1. L’œuvre théologique : Un volumineux commentaire des Sentences (2e et 4e livres), Des Questions disputées, sur divers sujets en théologie et philosophie, ainsi que ses écrits de Défense devant les théologiens de Paris.
  2. L’œuvre exégétique : Commentaires de nombreux livres de la Bible, ou Postilles, sur :
    • La Genèse,
    • Job,
    • les Psaumes,
    • le Cantique dse Cantiques,
    • les Proverbes,
    • l’Ecclésiaste,
    • les Lamentations,
    • Ezéchiel,
    • les Petits prophètes,
    • les Quatre Evangiles,
    • les Épîtres
    • et surtout son grand Commentaire de l’Apocalypse de Jean, son œuvre la plus originale et qui lui valut beaucoup de suspicion.
  3. L’œuvre franciscaine est principalement constituée de dix-sept Questions sur la perfection évangéliqueL’Exposition sur la Règle des Frères mineurs , La Lettre à Conrad d’Offida, la Lettre aux fils du Roi de Sicileles Remèdes contre les tentations spirituelles de ce temps. La Question sur l’Indulgence de la Portioncule.
  1. Il faut y ajouter un traité novateur sur  Les contrats où il étudie les échanges commerciaux, y introduit la notion de capital argent vivant parce que circulant, explicitant ainsi les conditions de moralité du commerce et condamnant l’usure argent mort.

Notes

  1.  Pendant longtemps, le traité n’était connu que par le rapport de commission. Cf. http://oliviana.revues.org/document76.html
  2.  Déjà au XVIIe siècle, l’historien franciscain Luc Wadding tentait de réhabiliter Olivi en soulignant qu’il n’avait jamais été condamné de son vivant pour hérésie.

Bibliographie 

  • Burr, D. L’histoire de Pierre Olivi, franciscain persécuté, Paris, 1997.
  • Putallaz, F.X., Figures franciscaines, de Bonaventure à Duns Scot, Paris, 1997.
  • Putallaz, F.X. : Olivi (Pierre de Jean), dans Dictionnaire du Moyen-Age, Puf , Paris, 2002.
  • Boureau, A., & Piron, S. , Pierre de Jean Olivi (1248-1298), pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, Paris, Vrin, 1999, (Actes du colloque de Narbonne, mars 1998).
  • Piron, S. : Olivi et les averroïstes, Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, 53-1 2006, p. 251-309.
  • Piron, S. : Censures et condamnation de Pierre de Jean Olivi : enquête dans les marges du Vatican, Mélanges de l’Ecole française de Rome – Moyen Age, 118/2, 2006, p. 313-373.
  • Ouvrage de référence : Giacomo Todeschini (trad. Nathalie Gailius, Roberto Nigro), Richesse franciscaine, de la pauvreté volontaire à la société de marché, Verdier, Lagrasse, 25 septembre 2008

 

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