Légende Majeure/Chapitre VI

CHAPITRE 6 : SON HUMILITÉ. SON OBÉISSANCE. LES FAVEURS QUE DIEU LUI PRODIGUAIT À VOLONTÉ.

  1. L’humilité, sauvegarde et parure de toutes les vertus, surabondait en l’homme de Dieu[1]. À ses yeux, il n’était rien moins que pécheur, mais en réalité il était le miroir resplendissant de toute sainteté. Comme un architecte avisé qui commence par les fondations[2], il mit toute son application à n’édifier que sur elle, conformément à l’enseignement du Christ : « Si le Fils de Dieu, disait-il, est descendu de toute la hauteur qui sépare de notre abjection le sein du Père, c’est pour nous apprendre l’humilité, lui Seigneur et Maître, par la parole et par l’exemple. » Aussi veillait-il, en vrai disciple du Christ, à entretenir devant ses yeux et aux yeux des autres le spectacle de son abjection, se rappelant la parole du Maître des maîtres : « Ce qui est grand devant les hommes est une abomination aux yeux de Dieu[3]. » Et il répétait volontiers cette maxime : « L’homme ne vaut que ce qu’il vaut aux yeux de Dieu et rien de plus[4]. » Il estimait donc que la fierté d’avoir acquis la faveur du monde est une folie ; une humiliation le mettait en joie, un compliment l’assombrissait. Il aimait mieux recevoir un blâme qu’un éloge, sachant bien que le premier nous pousse à nous corriger tandis que le second est une occasion de chute. C’est pourquoi souvent quand les foules vantaient ses mérites et sa sainteté, il ordonnait à un frère, par manière d’antidote, de lui seriner à l’oreille des paroles humiliantes ; et quand ce frère, bien à contrecœur, l’avait traité de croquant, de goujat, de propre-à-rien, de parasite, alors il répondait, le cœur et le visage rayonnants de joie : « Que le Seigneur te bénisse, mon fils bien-aimé, car tu dis bien vrai, et c’est là ce que mérite d’entendre le fils de Pierre Bernardone ! »
  2. Pour s’attirer le mépris, il n’hésitait pas, dans ses tournées de prédication, à signaler à tout le peuple ses propres défauts. Il lui était arrivé un jour, malade et n’en pouvant plus, d’adoucir un peu la rigueur de son jeûne afin de recouvrer la santé. Quand il eut, tant bien que mal, repris un peu de forces, il lui tarda de s’exposer au mépris des autres, tant il se méprisait lui-même : « Il n’est pas juste, dit-il, que les gens me prennent pour un homme mortifié, alors qu’au contraire je me soigne en cachette. » Il se leva, tout enflammé par l’esprit de sainte humilité, convoqua tout le peuple sur la place d’Assise, et, accompagné de nombreux frères, entra solennellement dans l’église majeure, puis il leur ordonna de le traîner corde au cou et en caleçons devant toute la foule jusqu’au pilori où les malfaiteurs étaient d’ordinaire maintenus avant leur exécution. Il y monta et, de là-haut se mit à prêcher avec une vigueur étonnante malgré sa fièvre quarte, sa santé délabrée et le froid vif. Tous l’entendirent affirmer qu’il ne fallait pas le vénérer comme « spirituel[5]», mais bien plutôt le mépriser comme charnel et glouton. Tous les assistants, remplis d’admiration à ce spectacle extraordinaire et profondément édifiés, car ils connaissaient bien son austérité, proclamèrent que pareille humilité était plus admirable qu’imitable. Accordons qu’il faille voir là une de ces actions symboliques[6] dont les prophètes étaient coutumiers, plutôt qu’un exemple il reste que nous avons là une belle leçon d’humilité parfaite où le disciple du Christ apprend qu’il doit mépriser tous les témoignages de la louange passagère, réprimer la bouffissure prétentieuse de la vanité et déposer le masque de la simulation hypocrite[7].
  3. Des avanies de ce genre, il s’en imposait souvent afin de paraître extérieurement comme un de ces vases de rebut[8], tout en possédant quand même à l’intérieur l’Esprit de sainteté. Il veillait à enfouir dans le secret de son cœur les bienfaits de son Seigneur, refusant d’exposer à la gloire ce qui aurait pu lui être une occasion de chute. Souvent à ceux qui le proclamaient bienheureux, il lançait des phrases de ce genre : « Je pourrais encore avoir des garçons et des filles[9]; ne me louez pas comme si j’étais à l’abri désormais ! Il ne faut faire l’éloge de personne avant sa mort[10]» ; cela à l’adresse de ses admirateurs ; mais il s’apostrophait aussi lui-même : « Un brigand serait bien plus reconnaissant que toi, François, s’il avait reçu les mêmes grâces que toi ! » Aux frères il disait souvent : « On ne doit jamais se vanter et se féliciter, car ce serait criminel, d’une action dont un pécheur est capable : un pécheur peut jeûner, prier, pleurer, mortifier sa chair ; une seule chose lui est impossible : être fidèle à son Seigneur. Nous n’avons à mettre notre point d’honneur qu’en ceci : rendre au Seigneur la gloire qui lui revient, et porter à son compte, en serviteurs fidèles, tous les biens dont il nous a comblés. »
  4. François, semblable au marchand dont parle l’Évangile[11], voulant gagner toujours plus et rendre productif chacun de ses instants, choisit d’être sujet plutôt que supérieur, et d’obéir plutôt que commander ; aussi résigna-t-il sa charge de supérieur général, demandant un gardien à la volonté duquel il se soumît en tous points. En effet, disait-il, on retire de l’obéissance cet immense avantage qu’une fois notre cou engagé sous son joug, aucune minute ne passe sans apporter quelque profit. C’est pourquoi il promettait obéissance – et obéissait – au frère qui l’accompagnait ordinairement dans ses voyages. Il déclara un jour à ses compagnons : « Parmi les bienfaits qu’a daigné m’accorder la bonté de Dieu, j’ai obtenu la grâce d’être prêt à obéir avec autant d’empressement à un novice d’une heure qu’on me donnerait pour gardien, qu’au frère le plus ancien et le plus expérimenté. Un sujet ne doit pas considérer l’homme dans son supérieur, mais Celui pour l’amour duquel il a choisi d’obéir. Moins le supérieur est digne, et plus l’humilité de celui qui obéit plaît à Dieu. »

Aux frères qui lui demandèrent un jour à quoi l’on reconnaît le religieux vraiment obéissant, il proposa en parabole l’exemple du cadavre : « Prenez, dit-il, un corps que l’âme a quitté et placez-le n’importe où : vous verrez qu’il ne mettra aucune mauvaise grâce à se laisser manœuvrer, ne se plaindra pas de la posture où on le laisse, ne réclamera pas son changement. Installé dans une chaire, ce n’est pas en haut qu’il regardera, mais en bas ; revêtu de pourpre, il n’en paraîtra que deux fois plus pâle. Voilà le parfait obéissant qui ne s’institue pas juge des raisons de son transfert, n’intrigue pas pour se voir désigner tel couvent[12], n’est pas toujours à demander son changement[13] ; s’il reçoit une charge, il conserve son humilité ; plus il est comblé d’honneurs, plus il se juge indigne. [14] »

  1. Il dit un jour à son compagnon : « Je ne me croirai un vrai Frère Mineur que quand je serai arrivé à l’état d’âme que je vais te décrire[15]. Voici : Je suis le supérieur de mes frères, je me rends au chapitre, j’y fais un sermon, je donne mes avis, et quand j’ai fini, on me dit : « Tu n’as pas ce qu’il faut pour rester avec nous ; tu n’as pas fait d’études, tu n’as aucune éloquence, aucune culture, et tu es borné… » Et je suis chassé honteusement, chargé du mépris universel. Eh bien, je te le dis, si je ne reçois pas tout cela du même front, avec la même allégresse intérieure et en conservant ferme ma volonté de sanctification, je ne suis pas, mais pas du tout, un Frère Mineur ! » Et il ajoutait : « Une dignité est une occasion de chute ; la louange est un précipice béant ; mais la place de sujet est source de mérites pour son âme. Pourquoi désirer les risques plus que les profits, puisque c’est pour nous enrichir que le temps nous a été donné ? »

On comprend dès lors pourquoi François, modèle d’humilité, voulut que ses frères fussent appelés « Frères Mineurs », et les supérieurs de l’Ordre « serviteurs », afin de mettre ainsi en circulation les termes même de l’Évangile[16] qu’il avait promis d’observer[17], et d’enseigner à ses disciples, par leur appellation même, qu’ils s’étaient mis à l’école du Christ au cœur humble précisément pour apprendre de lui l’humilité. Car voici comment le Christ Jésus, maître d’humilité, a inculqué à ses disciples l’humilité parfaite : « Celui qui veut être le plus grand parmi vous doit se faire votre serviteur ; et celui qui veut tenir le premier rang parmi vous doit se faire votre esclave[18]. » Bien mieux : comme le seigneur cardinal d’Ostie, alors protecteur et actif organisateur de l’Ordre (il fut plus tard, comme le saint l’avait prédit, élevé aux honneurs du Souverain Pontificat sous le nom de Grégoire IX), lui avait demandé s’il aimerait voir certains de ses frères promus aux dignités ecclésiastiques, il répondit : « Seigneur, si mes frères ont reçu le nom de petits (mineurs), c’est pour qu’ils n’aspirent jamais à devenir grands. Si vous voulez qu’ils fassent du bon travail dans l’Église de Dieu, maintenez-les et conservez-les dans le cadre de leur vocation, et ne leur permettez jamais d’accéder aux dignités ecclésiastiques[19]. »

  1. Parce qu’il préférait pour lui comme pour ses frères l’humilité à tous les honneurs, il fut jugé par Dieu qui aime les humbles, digne de la suprême élévation ; une vision en témoigne, envoyée du ciel à un frère d’une vertu et d’une piété remarquables[20]. Ce frère accompagnait l’homme de Dieu durant un voyage et, entré avec lui dans une église déserte[21], priait de tout son cœur quand, ravi en extase, il vit dans le ciel quantité de sièges et en remarqua un plus distingué, rehaussé de pierres précieuses et tout rayonnant de gloire. Ébloui par l’éclat de ce trône incomparable, il aurait bien voulu savoir qui était destiné à y monter, et il cherchait, cherchait… Une voix du ciel lui dit : « C’était le trône d’un ange déchu ; il est maintenant réservé à l’humble François. » Quand le saint quitta l’église, le frère revenu de son extase le suivit comme d’habitude et ils reprirent la route, s’entretenant de Dieu. Le frère alors, qui n’oubliait pas sa vision, lui demanda adroitement ce qu’il pensait de lui-même. L’humble serviteur du Christ lui dit : « Je vois en moi le plus grand des pécheurs. » Comme le frère protestait qu’il ne pouvait raisonnablement ni le penser ni le dire, il ajouta : « Si le Christ avait prodigué sa miséricorde à n’importe quel scélérat autant qu’à moi, je pense bien que celui-ci en témoignerait beaucoup mieux que moi son affection envers Dieu[22]». Après une réponse si admirable d’humilité, le frère fut convaincu que sa vision avait dit vrai, sachant, par l’affirmation de l’Évangile[23], que c’est l’homme vraiment humble qui est porté au comble de la gloire d’où l’orgueilleux s’est vu précipiter.
  2. Priant un jour dans une église abandonnée près du Mont Casal (province de Massa)[24], il fut averti par l’Esprit de Dieu qu’on avait laissé là des reliques de saints. Peiné de voir qu’elles avaient été longtemps privées de la vénération qui leur était due, il ordonna aux frères de les ramener avec honneur au couvent, puis, appelé ailleurs, il les quitta. Mais les fils oublièrent l’ordre de leur père et ne tinrent nul compte du mérite de l’obéissance. Or, préparant un jour la célébration des saints mystères, quelle ne fut pas leur surprise de trouver sous les nappes de l’autel des ossements très beaux et d’une suave odeur : c’étaient les reliques apportées là non par la main des hommes, mais par la puissance de Dieu. De retour peu après, l’homme de Dieu leur demanda si l’on avait exécuté ses ordres concernant les reliques. Les frères s’accusèrent humblement d’avoir négligé d’obéir, obtinrent leur pardon moyennant pénitence, et le saint leur dit : « Béni soit le Seigneur mon Dieu qui a lui-même accompli ce que vous auriez dû faire ! » Méditez la sollicitude de la divine Providence pour la poussière que nous sommes ; jugez de la puissante faveur dont jouissait aux yeux de Dieu l’humble François : aux ordres que les hommes n’avaient pas exécutés, Dieu lui-même voulut obéir.
  3. Passant un jour par Immola[25], il s’en fut trouver l’évêque pour lui demander humblement la permission de convoquer le peuple pour un sermon. L’évêque lui répondit sèchement : « Mon frère, je prêche moi-même à mon peuple, et cela suffit ! » Humble jusqu’au bout, François inclina la tête et sortit, attendit une petite heure, puis revint. L’évêque, presque irrité, lui demanda quelle permission il venait encore chercher. Humble au fond du cœur[26], humble dans ses paroles, il répondit : « Seigneur, quand un père a chassé son fils par une porte, celui-ci doit en trouver une autre pour rentrer. » Vaincu par tant d’humilité, l’évêque enthousiasmé l’embrassa et lui dit : « Dorénavant vous prêcherez dans mon diocèse, toi et tous tes frères ; je vous en donne la permission sans réserve, car ta sainte humilité l’a bien mérité ! »
  4. Passant un jour par Arezzo, il trouva la ville toute bouleversée par une émeute et à deux doigts de la ruine. Logé hors des remparts, il vit les démons qui menaient joyeux sabbat au-dessus de la ville et poussaient à s’entredétruire les habitants déchaînés. Afin de mettre en fuite ces puissances de sédition[27] qui saturaient l’atmosphère, il envoya comme porte-parole le frère Sylvestre qui avait une simplicité de colombe[28]: « Va te poster face aux portes de la ville, lui dit-il, et en vertu de l’obéissance commande aux démons de la part du Dieu tout-puissant de décamper en vitesse. » Obéissant comme il se doit, le voilà qui file pour exécuter les ordres de son père, chantant des hymnes sur la route à la face de Dieu[29] et se met à crier à tue-tête devant la porte de la ville : « Démons, de la part de Dieu tout-puissant et par ordre de son serviteur François, déguerpissez tous d’ici ! » Sur-le-champ la ville retrouve la paix et c’est en toute sérénité que les habitants rédigèrent une charte reconnaissant les droits de chacun[30]. Ainsi donc, c’est la sagesse d’un pauvre – je veux dire l’humilité de François – qui vint à bout de cette furie d’orgueil des démons assiégeant la ville, qui ramena la paix et sauva la cité. L’humble obéissance en effet, cette vertu si efficace, lui avait conféré une telle emprise sur les esprits rebelles et prêts à tout, qu’il arrivait à déjouer leurs entreprises les plus hardies et repoussait leurs assauts les plus acharnés.
  5. Les hautes vertus des humbles, nous venons de le voir, mettent en déroute l’orgueil des démons ; cependant, pour la sauvegarde de leur humilité, Dieu permet qu’ils en reçoivent des soufflets, comme l’écrit saint Paul à son propre sujet[31] et comme François put en faire l’expérience : Invité un jour par le seigneur Léon, cardinal de Sainte-Croix, à demeurer un moment avec lui à Rome, il y consentit humblement, car il respectait et aimait beaucoup le cardinal[32]. Mais à la tombée de la nuit, François, après avoir prié, se disposait à dormir quand survinrent des démons qui bondirent avec rage sur le soldat du Christ, le rouèrent de coups et le laissèrent finalement à demi-mort. Appelant alors son compagnon, le serviteur de Dieu lui raconta ce qui venait de se passer et conclut : « Vois-tu, frère, si les démons, qui n’ont de puissance que celle accordée par la divine Providence, se sont jetés si sauvagement sur moi, c’est que mon séjour à la cour des Grands est d’un mauvais exemple. Mes frères qui logent dans de pauvres petits couvents[33], apprenant que je vis en compagnie des cardinaux, pourraient me croire enfoncé dans les mondanités, grisé par les honneurs et comblé de bien-être. Il vaut mieux, je crois, que celui dont la vocation est de donner l’exemple[34] fuie les palais et loge humblement dans d’humbles couvents au milieu des humbles, afin de leur donner, en partageant leur situation, plus de force pour supporter leur indigence. » Au matin, ils s’en furent trouver le cardinal et, avec d’humbles excuses, lui firent leurs adieux[35].
  6. Autant le saint détestait l’orgueil, père de tous les maux, et la désobéissance, la pire de ses filles ; autant il était prêt à accueillir cependant tout humble repentir[36]. On lui présenta un jour, pour qu’il lui imposât un juste châtiment, un frère coupable de désobéissance. À des signes qui ne pouvaient tromper, l’homme de Dieu s’aperçut que le frère était sincèrement contrit et fut enclin, dès lors, tant il aimait l’humilité, à lui témoigner beaucoup d’indulgence. Pour éviter cependant de porter les autres à mal faire puisqu’il était si facile de se faire pardonner, il ordonna d’arracher au frère son capuce et de le jeter au feu : il fallait montrer à tous quelle rigueur méritent les manquements à l’obéissance. Au bout de quelques instants il fit retirer du feu le capuce pour le rendre au frère qui avait humblement accepté sa pénitence. On retire le capuce du milieu des flammes ; ô merveille : il ne portait aucune trace de brûlure ! Dieu soulignait ainsi d’un seul miracle et la vertu du saint et l’humilité du pénitent.

Il nous faut donc imiter François dans son humilité qui, déjà sur terre, lui mérita de fléchir Dieu, de changer le cœur des hommes, de briser d’un mot la furie des démons et de réfréner à volonté la voracité des flammes. Tant il est vrai que l’humilité est la vertu qui exalte celui qui la possède[37] : toujours prompte à s’incliner, elle s’attire l’hommage universel.

Chapitre 7

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[1] Dans le chapitre précédent, la chasteté avait été jumelée à dessein avec la pénitence ; ici l’obéissance est jumelée à dessein avec l’humilité. Pareil double groupement existe dans les fresques triangulaires qui ornent la voûte de la basilique inférieure d’Assise au-dessus du maître-autel. Tout comme celles de la basilique supérieure, il semble bien que ces quatre fresques émanent directement du livre de saint Bonaventure.

[2] 1 Co 3 10 ; He 6 1

[3] Lc 16 15

[4] Cette maxime est consignée dans les Écrits de saint François (Adm 20). Elle a beaucoup frappé l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ (III, 50).

[5] Dirigé contre les « Spirituels » non parce que spirituels, mais parce que voulant passer pour tels.

[6] Is 20 3

[7] LP 36 et 1 C 52 donnent le même récit avec plus de pittoresque. Celano nous révèle que le « péché » de François avait été de manger une cuisse de poulet.

[8] Ps 30 13

[9] Même réflexion en 2 C 133 et en LP 95.

[10] Si 11 26

[11] Le marchand qui a trouvé une perle et liquide tout son avoir afin de pouvoir se la payer : Mt 13 45.

[12] Ubi locetur non curat : de même que le mot locus désigne un pied-à-terre, de même le verbe est ici employé au sens de résider dans un des ces loci. Comparez avec le français : ni feu ni lieu.

[13] La bougeotte, la gyrovagie, sévissaient chez les Mendiants comme chez les laïcs à cette époque de pèlerinages et de croisades.

[14] L’apologue du cadavre sera repris par saint Ignace de Loyola. Il était antérieur à saint François, puisqu’on le trouve déjà dans les Pères du Désert (PL 65, 272b) et même chez des auteurs arabes comme Al Ghazali (= 1111).

[15] Remarquer, en ce paragraphe comme au précédent, à quel point François, esprit concret par excellence, aime les fables et les mimes quand il veut faire passer une idée spirituelle chez ses disciples.

[16] L’Évangile dit en effet :

– « Plus on veut être grand, plus il faut se faire petit (mineur) » (Lc 22 26), d’où le nom de frères mineurs, et :

– « Celui qui voudra être le plus grand se fera ministre et serviteur des autres (Mt 20 25), d’où le nom de ministres donné aux supérieurs.

Ces deux textes sont cités par saint François dans la Première Règle, 5 14-15. Au Moyen Âge, Minores désignait le menu peuple.

[17] « L’Évangile que nous avons promis d’observer » est une formule consacrée pour parler de la « Règle dont nous avons fait profession ». Saint François et ses premiers biographes l’affectionnent, et à juste titre, étant donné l’équivalence entre les deux termes : « La règle et la vie des Frères Mineurs consiste à observer le saint Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ. »

[18] Mt 20 26-27

[19] Les Frères Mineurs manifestèrent la même aversion pour l’épiscopat ; quelques exemples du XIII° siècle : saint Bonaventure refusa l’archevêché d’York en 1265 ; saint Louis d’Anjou, celui de Lyon ; le bienheureux André de Segni, le cardinalat ; Raymond Godefroid, les évêchés de Padoue et de Milan. (Cf. Salimbene, pp. 322 et 324-329).

[20] Selon la tradition, frère Pacifique, le premier frère mineur envoyé en France. Il avait déjà bénéficié d’une vision concernant saint François. Cf. chap. IV, § 9.

Outre le thème littéraire signalé en 2 C 123, à propos de cette même vision, il faut signaler aussi le thème hagiographique du decimus ordo appelé à combler les vides laissés par les anges déchus. Cf. Y. Congar, Aspects ecclésiologiques de la querelle entre Mendiants et Séculiers, dans : Archives d’hist. doctrinale et litt. du Moyen Âge 28 (1961) 129 (Paris, Vrin, 1962). Et références patristiques dans : Y. Lefèvre, l’Elucidarium et les Lucidaires ; Contribution… à l’histoire des croyances religieuses en France au m. â., Paris 1953, 114, 118.

[21] Le Miroir de la Perfection, chap. 59 et 60, nous donne le lieu de l’épisode ; la petite église de Bovara, près de Trevi et des sources du Clitumne chantées des poètes. Une fresque d’Assise représente le frère Pacifique ayant la vision du trône dans le ciel.

[22] Multo quam ego Deo gratior esset. On pourrait comprendre aussi : « Il serait certainement plus agréable que moi aux yeux de Dieu » ; mais le sens actif de gratus semble préférable, étant donné qu’il s’agit de répondre à la grâce prévenante de Dieu.

[23] Mt 23 12.

[24] L’ermitage de Monte Casale est situé par Thomas de Celano (2 C 202) et ici par saint Bonaventure, « province de Massa ». Il ne s’agit d’aucun des deux Massa aujourd’hui connus : Massa Maritima, patrie de saint Bernardin, à l’ouest de Sienne ; et Massa près de Carrare, le pays du marbre. Le Monte Casale est situé à quelques kilomètres au sud-est de Borgo San Sepolcro, sur le flanc des montagnes qui limitent vers l’est la Val Tiberina ou haute vallée du Tibre. C’était pour François l’un des itinéraires d’Assise vers l’Alverne. Il s’agit de la région de Massa Trabaria ou Massa San Pietro, zone montagneuse sise au nord de Pérouse et à l’est d’Arezzo.

[25] Imola est une ville de la grande plaine de Romagne sur la Via Emilia, au pied nord-est de l’Apennin, à 34 kilomètres au sud-est de Bologne.

[26] Mt 11 29

[27] Ep 2 2

[28] Mt 10 17

[29] Réminiscence du psaume 94, invitatoire de Matines. Même chargé de mission contre l’Enfer, Sylvestre garde la paix, la sérénité de l’âme et sa simplicité de colombe », mentionnée plus haut. Le contexte évangélique dans lequel figure la recommandation : « Soyez simples comme les colombes » permet de saisir pourquoi saint Bonaventure fait ici valoir cette qualité de frère Sylvestre : c’est la déclaration : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. »

[30] On montre toujours, au sud de la ville d’Arezzo, sur la route (devenue rue d’un faubourg) la chapelle commémorative de cet événement. Le rempart se trouvait à quelques centaines de mètres, à peu près sur l’emplacement actuel de la voie ferrée. – La fresque de la basilique supérieure d’Assise nous montre l’abside de la cathédrale qui a gardé sensiblement la même silhouette depuis le XIV° siècle.

[31] 2 Co 12 7.

[32] Léon Brancaleone avait été cardinal-diacre du titre de Sainte-Lucine au Septisolium (1200-1202), puis cardinal-prêtre du titre de Sainte-Croix de Jérusalem à partir de 1202 ; il mourut vers 1230 (AF 10, p. 200).

[33] Couvent, ici comme quelques lignes plus bas, traduit le latin locus, qui n’évoque même pas une image quelconque de bâtisse, mais souligne volontairement la précarité du séjour que se fixent les Frères Mineurs ici ou là.

[34] Le désir surnaturel de perfection qui poussa François à se démettre de sa charge de supérieur n’est pas exclusif d’une intuition qui l’achemina vers la même décision : François comprit que son autorité pouvait paralyser son influence. Conscient de sa vocation d’exemple et de modèle, il passa les commandes à frère Elie mais resta le ressort et l’âme de son Ordre, et tout se passa, tant qu’il vécut, comme dans une famille où le père a plus d’autorité, la mère plus d’influence.

[35] L’ensemble du paragraphe semble une admonition adressée aux relâchés à tendance « conventuelle ».

[36] Saint Bonaventure est ici beaucoup plus long que 2 C 154, qui rapporte la même anecdote. Avait-il pu interviewer directement la victime durant son voyage d’information en Italie ?

[37] Selon la sentence évangélique : Mt 23 12 ; Lc 14 11 ; 18 14.

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