LÉGENDE DE PÉROUSE Introduction

Pour écrire sa Vita II, Thomas de Celano utilisa les souvenirs, oraux ou écrits, des Compagnons de saint François. La recherche et l’identification des documents qui nous ont conservé ces souvenirs constitue, nous l’avons déjà dit, une partie de la Question Franciscaine.

 

Frère Léon fut un témoin privilégié de la vie de François, surtout dans les derniers temps. Il fut son secrétaire[1], son infirmier et son confesseur : on peut donc être assuré, a priori, que sa contribution a dû être importante. Et en effet, Ange Clareno et Arnauld de Sarrant le rangent parmi les biographes de saint François, au même titre que Celano, saint Bonaventure et Julien de Spire, et beaucoup font allusion à des écrits qui lui sont attribués.

 

C’est donc à la recherche des écrits de frère Léon qu’il nous faut maintenant partir.

 

LES ÉCRITS DE FRÈRE LÉON

 

Les témoignages de Pierre Olivi, d’Ubertin de Casale et d’Ange Clareno nous apprennent qu’une partie des écrits de frère Léon se présentaient sous forme de rouleaux (rotuli) et Ubertin de Casale signale également « qu’un livre se trouve dans l’armoire des frères d’Assise » d’où, pour son argumentation, il tire quelques textes «écrits de la main du frère Léon ».

Ces rouleaux, que malheureusement nous ne possédons plus, ont eu une histoire mouvementée. En 1305, Ubertin de Casale qui les cite, probablement de mémoire[1], dans son Arbor Vitae, nous dit « Avec beaucoup de douleur j’ai entendu dire que ces rouleaux auraient été égarés et peut être même perdus[2]». Mais en 1311, dans la « Declaratio » qu’il présente au cours de la procédure qui l’oppose au parti de la Communauté, il signale que les faits qu’il invoque se trouvent « dans des rouleaux écrits de la main de frère Léon, que j’ai auprès de moi[3]». Les rouleaux perdus ont-ils été retrouvés ? Ou bien le bruit de leur perte était-il dénué de fondement ? Peu importe ! mais ce qu’il faut noter, comme l’a bien souligné Paul Sabatier[4], c’est que dans cette procédure, jamais les adversaires d’Ubertin n’ont récusé l’attribution de ces écrits au frère Léon. C’est donc que pour eux, comme pour lui, frère Léon en était bien l’auteur.

CONTENU DU MANUSCRIT

Le copiste avait souligné par des initiales ornées l’existence de trois sections dans le texte qu’il transcrivait. L’initiale qui marque le début de la troisième est la plus grande de tout le manuscrit : le copiste entendait certainement signaler que ce qui allait suivre constituait un tout particulièrement important. Pour faciliter son étude, le P. Delorme subdivisa, à son tour, cette troisième section en trois parties.

Le texte du manuscrit de Pérouse se trouvait ainsi divisé en cinq parties.

A – comportant 21 numéros, composés de 4 paragraphes de 2 Celano, des Verba S. Francisci et des textes déjà publiés par le P. Lemmens dans les Documenta Antiqua Franciscana[1].

B – comportant 20 numéros, entièrement empruntés à 2 Celano.

C – (commençant par la grande initiale), comportant 17 numéros dont 15 déjà publiés par le P. Lemmens.

D – comportant 33 numéros, pratiquement inédits.

E – comportant 24 numéros, composés de l’Intentio Regulae et de textes déjà publiés par le P. Lemmens.

 

Lorsqu’en 1926, le P. Delorme publia le texte de la Compilation de Pérouse[2], il estima inutile de reproduire la section B qui ne contenait que des textes de Celano ; de plus, il plaça en tête de son édition la section CDE qui formait un tout et la compléta par la section A dont il retira les 4 numéros de Celano. La numérotation de cette édition ne correspond donc pas à celle qu’il avait primitivement établie dans l’étude qui avait paru dans l’Archivum Franciscanum. Les références données par des auteurs écrivant avant 1926 deviennent incompréhensibles si l’on ignore ce détail[3]. La traduction que nous publions ici comporte la numérota­tion de l’édition de 1926 à laquelle nous nous référerons toujours.

 

C’est une compilation que nous offre le manuscrit de Pérouse, le P. Delorme l’avait bien vu, et c’est ce qui justifie la manière dont il a présenté son édition.

 

La présence des initiales ornées comme nous l’avons déjà noté, divise cette compilation en trois parties distinctes ; ou, plus exactement elle nous montre que le copiste a juxtaposé trois groupes autonomes. Cette remarque est corroborée par le fait que dans d’autres manuscrits qui nous ont conservé des fragments de cette compilation, l’ordre des sections est différent[4].

Il est donc nécessaire d’examiner séparément chacun de ces groupes, exactement comme s’ils provenaient chacun d’un manuscrit différent[5].

Fr Théophile Desbonnets

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[1] Soit dans le tome 1 pour l’Intentio Regulae et les Verba, soit dans le tome II (Speculum Perfectionis, redactio prima) pour les autres textes.

[2] P. Ferdinand-M. Delorme, La « Legenda antiqua S. Francisci », texte du ms. 1046 (M 69) de Pérouse, Paris 1926, XXXII-70 pp. Le titre de cette édition est presque rigoureusement le même que celui de l’étude parue dans AFH. Lorsqu’il y aura risque de confusion, nous le désignerons par les mots « éditions de Paris ».

[3] Cette double numérotation est déjà très gênante en elle-même, mais, pour compliquer la situation, le P. J. Cambell qui a réédité ce texte sous le titre I Fiori dei tre Compagni (Milan 1967) a bouleversé l’ordre des paragraphes ; le P. M. Bigaroni a donné une édition « diplomatique » du manuscrit, sous le titre « Compilatio Assisiensis », (Porziuncola 1975), qui n’a pas la même numérotation que l’étude de 1922 ; enfin, une traduction française publiée sous le titre Saint François raconté par ses premiers compagnons (Paris 1927 et 1946) est divisée en chapitres créés par le traducteur et qui n’ont aucun rapport avec aucune de ces numérotations. Seule l’édition critique publiée par Rosalind Brooke, sous le titre Scripta Leonis, Rufini et Angeli Sociorum S. Francisci (Oxford 1970), reproduit la numérotation de l’édition de Paris.

En résumé, pour ce texte unique, les références peuvent, suivant les auteurs, renvoyer à 5 titres et à 5 numérotations différentes !

[4] Le manuscrit C 9.2878 de la Bibliothèque Nationale de Florence et le manuscrit C 4 de la Bibliothèque de l’Université d’Uppsala suggèrent l’ordre CDE-B, la place de la section A restant indécise.

[5] C’est faute d’admettre cette nécessité que certains critiques ont cru pouvoir prendre le P. Delorme en flagrant délit de contradiction. Cf., par exemple, M. Beaufreton, Saint François d’Assise, Paris 1925, 313.

 

[1] Le fait qu’ils soient cités « de mémoire » n’exclut pas la possibilité d’une fidélité quasi littérale du texte. Les hommes du Moyen Age avaient une mémoire très développée : par exemple, si le livre qu’on lisait au réfectoire ne se trouvait pas à portée du lecteur, celui-ci était souvent capable de faire la lecture de mémoire. Cf. R. Aigrain, l’Hagiographie, Paris 1953, 244.

[2] Ubertin de Casale, Arbor Vitae, livre V chap. V.

[3] Ubertin de Casale, Declaratio, dans ALKG 3 (1887) 168.

[4] P. Sabatier, Vie de saint François (ler édit.), p. LXIV. Cf. Speculum Perfectionis, Paris 1898, p. CXLVII.

 

[1] Nous possédons même de précieux autographes de sa main : les annotations qu’il porta sur le texte de la bénédiction que saint François avait écrite pour lui ; un bréviaire qu’il copia pour sainte Claire.

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