LÉGENDE DE PÉROUSE 35

MALÉDICTION DE PÉROUSE

  1. Un jour[1] que le bienheureux François prêchait sur la place de Pérouse devant un grand concours de peuple, des chevaliers se mirent à galoper en armes, par manière de jeu, si bien qu’ils troublaient la prédication. Hommes et femmes qui écoutaient attentivement le sermon eurent beau protester ; ils continuaient. Se tournant vers eux, le bienheureux François leur dit avec toute l’ardeur de son âme : « Ecoutez et retenez bien ce que le Seigneur vous annonce par la bouche de son serviteur. Et ne dites pas : Bah ! c’est un homme d’Assise ! – (le bienheureux parlait ainsi parce qu’une grande haine divisait[2] les gens d’Assise et ceux de Pérouse) – Le Seigneur vous a glorifiés et élevés au-dessus de tous vos voisins : c’est pourquoi vous devez être très reconnaissants à votre Créateur et vous humilier non seulement devant le Tout-Puissant mais devant vos voisins eux mêmes. Et pourtant votre cœur est gonflé d’arrogance, d’audace et d’orgueil. Vous pillez vos voisins et vous tuez beaucoup d’entre eux. Aussi, je vous le dis, si vous ne vous convertissez pas bien vite, et si vous ne réparez pas les dommages causés par vous, le Seigneur, qui ne laisse aucune injustice sans châtiment, vous prépare une terrible vengeance, la punition et l’humiliation. Il vous dressera les uns contre les autres, la discorde et la guerre civile éclateront et vous causeront des calamités pires que celles qui pourraient vous venir de vos voisins. »

Le bienheureux François, en effet, dans sa prédication, ne taisait pas les vices du peuple quand on offensait publiquement Dieu ou le prochain. Mais le Seigneur lui avait donné une si grande grâce que tous ceux qui l’entendaient ou le voyaient n’avaient pour lui que crainte et vénération à cause de cette richesse de dons qu’il avait reçus de Dieu. Aussi, même quand il les réprimandait, ils avaient honte, mais ils étaient édifiés ; parfois même c’était pour lui un motif de prier Dieu pour eux avec plus de ferveur, et ils se convertissaient au Seigneur.

Il arriva, peu de jours après, que, par la permission divine, la lutte éclata entre les chevaliers et le peuple. Le peuple chassa les chevaliers qui, de leur côté, avec l’aide de l’Eglise, saccagèrent beaucoup de champs, d’arbres et de vignes et firent au peuple le plus grand mal possible. Celui- ci, en retour, dévasta les champs, les arbres et les vignes des chevaliers. Ainsi les habitants de Pérouse souffrirent, par punition, beaucoup plus que les voisins qu’ils avaient molestés. C’était, à la lettre, l’accomplissement de la prédiction faite par le bienheureux François.

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[1] 2 C 37 signale que c’est en quittant sa cellule de Greccio (dont on vient de parler) que François se rendit à Pérouse.

[2] « Et divise encore », précise le SP 105.

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