LÉGENDE DE PÉROUSE 34

MIRACLE DES LOUPS ET DE LA GRÊLE A GRECCIO

  1. Le couvent des frères de Greccio était vertueux et pauvre, et les habitants du pays, malgré leur dénuement et leur simplicité, plaisaient au bienheureux François plus que ceux du reste de la province. Aussi venait-il souvent s’y reposer ou séjourner. Il y avait là surtout une cellule petite, pauvre et très solitaire où le saint Père aimait à se retirer. Son exemple, sa prédication et celle de ses frères furent cause, avec la grâce de Dieu, que beaucoup d’habitants entrèrent dans l’Ordre[1]. Beaucoup de femmes firent vœu de virginité et adoptèrent un habit religieux ; chacune avait son chez soi, mais elles menaient une vie commune ; elles pratiquaient la vertu, la mortification, le jeûne et la prière ; on avait l’impression qu’elles vivaient hors du monde et de leur parenté ; malgré leur jeune âge et leur grande simplicité, elles paraissaient avoir été formées par de saintes religieuses depuis longtemps au service du Seigneur. C’est pourquoi le bienheureux François disait souvent aux frères, en parlant des hommes et des femmes de ce bourg : « Il n’y a pas une grande ville où tant de gens se soient convertis à la pénitence ; et pourtant Greccio n’est qu’un petit bourg ! »

Ainsi que le faisaient habituellement les frères à cette époque en de nombreux couvents, souvent, le soir, les frères de Greccio chantaient les louanges du Seigneur. Alors, hommes et femmes, grands et petits, sortaient des maisons, se tenaient sur la route, devant le bourg, et alternaient avec les frères en reprenant à haute voix : « Loué soit le Seigneur Dieu ! » Même les petits enfants sachant à peine parler louaient ainsi Dieu selon leurs moyens.

Or, en ce temps-là, ils eurent à subir des calamités qui durèrent plusieurs années. D’énormes loups dévoraient les hommes, et chaque année la grêle dévastait vignes et champs. Un jour qu’il prêchait, François leur dit : « Voici ce que je vous annonce pour l’honneur et la gloire de Dieu. Si chacun de vous se corrige de ses péchés et se convertit à Dieu de tout son cœur avec le ferme propos et la volonté de persévérer, j’ai confiance que Notre-Seigneur Jésus Christ, dans sa miséricorde, vous délivrera du fléau des loups et de la grêle dont vous souffrez depuis si longtemps. Il augmentera et multipliera pour vous les biens spirituels et temporels. Mais je vous préviens que si vous retourniez à votre vomissement[2] – ce qu’à Dieu ne plaise ! – ce châtiment et ce fléau renaîtraient, et avec eux d’autres catastrophes plus terribles encore. » Sur l’heure, par effet de la providence divine et des mérites du saint Père, ces calamités disparurent. Chose plus extraordinaire et miracle étonnant : quand la grêle venait dévaster les champs de leurs voisins, elle s’arrêtait, sans causer de dommage, sur leurs frontières.

Pendant seize ou vingt ans ils furent ainsi comblés des biens spirituels et temporels. Mais la richesse engendra l’orgueil et la haine : ils se livraient même des combats à l’épée et ne reculaient pas devant l’assassinat, ils allaient tuer en cachette les animaux, pillaient et volaient pendant la nuit, et commettaient beaucoup d’autres forfaits. Quand le Seigneur vit que leurs oeuvres étaient mauvaises, qu’ils n’observaient pas les conditions dictées par son serviteur, [sa colère s’enflamma contre eux, il suspendit l’action de sa bonté, le fléau de la grêle et des loups reparut][3], comme les en avait menacés le saint Père, et ils furent accablés de maux plus graves que les premiers. Le bourg tout entier fut brûlé, ils perdirent tous leurs biens et ne gardèrent que la vie sauve[4]. Les frères et ceux qui avaient entendu le bienheureux prédire à ces gens la prospérité et l’adversité, admirèrent sa sainteté en voyant toutes ses paroles s’accomplir à la lettre.

Retour au sommaire 

 

 

[1] La phrase qui suit présente un enchevêtrement d’idées et des maladresses de syntaxe qui en rendent difficile la traduction. Elle est importante cependant pour l’histoire du Tiers-Ordre auquel le § 27 avait déjà fait allusion. On remarquera ici quelques traits communs avec les « béguinages »..

[2] Cf. 2 P 2 22.

[3] Entre [] phrase qui figure dans l’édition Cambell, non dans Delorme.

[4] Cf. 2 C 36, note 5.

Les commentaires sont fermés