Vita prima Chapitre 3 n° 6-7

CHAPITRE 3

COMMENT IL GARDE LE SECRET SUR SA TRANSFORMATION INTÉRIEURE. ALLUSIONS A UN TRÉSOR ET A UNE FIANCÉE.

6.- Il garde le secret sur le changement opéré en lui, mais renonce à son départ pour la Pouille et ne s’applique désormais qu’à orienter sa volonté dans le sens de la volonté de Dieu . Il reste un peu à l’écart de l’agitation mondaine et du négoce ; il tient à retenir Jésus-Christ au centre de son âme  ; comme le marchand avisé, il soustrait aux regards des sceptiques la perle qu’il a trouvée, tandis qu’il s’efforce en cachette de réaliser tout son bien pour être en mesure de l’acheter.

Il y avait à Assise un homme que François aimait plus que les autres  : ils étaient du même âge ; la sympathie réciproque donnait lieu à des rencontres fréquentes et engageait aux confidences ; François l’entraînait à l’écart afin de pouvoir lui parler plus à son aise et lui affirmait qu’il avait découvert un immense et précieux trésor. Son ami, tout joyeux et piqué par la curiosité, l’accompagnait volontiers à chaque invitation.

Il y avait aux abords de la ville une caverne qu’ils allaient souvent visiter, tout en parlant du trésor. L’homme de Dieu, déjà saint par son désir de sainteté, pénétrait dans la caverne, laissait attendre son compagnon dehors, et, sous la mouvance d’un esprit nouveau et encore inconnu, priait son Père dans le secret. Il voulait que personne ne sût ce qui se passait en lui et, cachant prudemment le mieux pour un bien, ne s’ouvrait qu’à Dieu seul de son idéal. Il priait avec dévotion le Dieu éternel et vrai de lui montrer sa voie et de lui apprendre à réaliser sa volonté. En son âme se livrait un combat terrible, et tant qu’il n’aurait pas réalisé le dessein qui lui était monté au cœur, il ne trouverait pas le repos. Continuellement lui venaient à l’esprit mille pensées contraires dont le retour obsédant le jetait dans le trouble et la souffrance. Il brûlait intérieurement du feu divin, et ne réussissait pas à dissimuler extérieurement la ferveur de son âme. Il déplorait d’avoir péché si gravement et blessé le regard de la majesté divine. Le mal passé, le mal présent avaient à ses yeux perdu leur attrait, mais il n’avait pas encore la pleine assurance de résister au mal à venir. On comprend que, de retour près de son compagnon, il était chaque fois mort de fatigue, méconnaissable.

7.- Un jour enfin qu’il avait de tout cœur imploré la miséricorde du Seigneur, celui-ci lui montra ce qu’il devait faire . Il fut rempli d’un tel bonheur qu’il ne se tenait plus de joie et se trahissait lui-même involontairement. Il ne pouvait plus se taire, si grand était l’amour infus en son âme ; il ne parlait toutefois qu’à mots couverts et par énigmes. Nous avons vu qu’il parlait de trésor caché à son ami préféré ; aux autres de même il tâchait de s’exprimer symboliquement. Il déclarait renoncer à partir en Pouille, mais pour accomplir dans sa patrie même de nobles et hauts faits.

Les gens croyaient qu’il voulait se marier, et ils le questionnaient : « Est-ce que tu songes à prendre femme, François ? » – « Je vais prendre l’épouse la plus belle et la plus noble que vous ayez jamais vue, répondit-il ; supérieure aux autres par sa beauté, elle les dépasse toutes en sagesse. » En effet, celle qu’il a choisie pour guide de sa vie religieuse est bien l’épouse immaculée de Dieu  ; quant au trésor caché, c’est le royaume des cieux qu’il a cherché avec tant d’ardeur. Il fallait que répondît sans réserve à l’appel de l’Evangile celui qui, de ce même Evangile, allait devenir l’authentique et fidèle héraut.

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