VITA SECUNDA 92

CHAPITRE 59

COMMENT IL DONNA SON MANTEAU A UNE PAUVRE FEMME MALADE DES YEUX.

  1. Durant le séjour de saint François au palais épiscopal de Rieti où il était venu soigner ses yeux, une pauvre femme de Machilone, atteinte de la même maladie, s’en vint consulter elle aussi le médecin[1].

Le saint prit familièrement à partie son gardien et commença par insinuer : « Frère gardien, nous devons rendre ce qui ne nous appartient pas.

– Certainement, père, si nous détenons tant soit peu du bien d’autrui.

– Alors, ce manteau que nous a prêté cette pauvre femme, rendons-le-lui, car elle n’a pas un sou vaillant pour solder ses dépenses.

– Mais ce manteau est à moi, père, répliqua le gardien ; personne ne nous l’a prêté. Utilise-le tant qu’il te plaira, mais quand tu n’en voudras plus, rends-le-moi.

(De fait, le gardien l’avait acheté quelques jours plus tôt, parce que le saint en avait besoin).

– Frère gardien, lui dit le saint, tu as toujours été courtois à mon égard ; aujourd’hui encore, je t’en supplie, fais preuve de courtoisie.

– Agis comme tu l’entendras, père, et selon que l’Esprit te l’enseignera. »

Le Père appela donc un séculier très pieux et lui dit : « Emporte ce manteau et douze pains, va trouver cette pauvre femme et tu lui diras : « Le pauvre homme à qui tu as prêté ce manteau te remercie ; reprends maintenant ce qui t’appartient. » Il partit et s’acquitta de son message. La femme crut qu’il se moquait d’elle et, toute gênée, lui dit :

« Laisse-moi la paix avec ton histoire de manteau ! je ne sais ce que tu veux dire. » Mais l’autre insista et lui mit tout dans les mains. Elle vit alors que ce n’était pas une plaisanterie et, pour mettre à l’abri de tout vol son trésor facilement gagné, elle s’enfuit la nuit suivante et, sans plus se mettre en peine pour ses yeux, rentra chez elle emportant son manteau.

Table des chapitres

[1] D’après LP 47, celui-ci non seulement la soignait gratuitement, mais allait même jusqu’à lui payer toutes ses dépenses.

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