VITA SECUNDA 46

CHAPITRE 17

COMMENT SA PRIÈRE FIT JAILLIR DU ROCHER UNE EAU QUI RAFRAICHIT UN PAYSAN ALTÉRÉ.

  1. Le bienheureux François voulut un jour se retirer dans un ermitage[1] pour s’y adonner plus librement à la contemplation. Comme il était à bout de forces, il emprunta l’âne d’un pauvre homme pour la route. On était alors en été ; le paysan, qui gravissait à pied la montagne à la suite de l’homme de Dieu, parlait d’abandonner avant d’arriver au couvent : il n’en pouvait plus de fatigue à cause de ce chemin long et accidenté, et il mourait de soif. Il se met à crier avec véhémence à l’adresse du saint, il le supplie d’avoir pitié de lui et déclare qu’il va mourir si on ne lui donne rien à boire pour le réconforter. Comme toujours, plein de pitié pour les affligés, l’homme de Dieu n’attend pas davantage et descend de son âne ; il se met à genoux, lève les mains vers le ciel et ne s’arrête pas de prier qu’il ne se sente exaucé. Il s’adresse alors au paysan : « Cours : tu trouveras là-bas une source que le Christ, dans sa bonté, vient de faire jaillir du rocher afin que tu puisses boire. »

Stupéfiante condescendance de Dieu[2] qui se laisse si volontiers fléchir par ses serviteurs ! Un paysan peut boire d’une eau que la vertu d’un homme en prière a fait jaillir ; c’est une roche compacte qui lui fournit de quoi se désaltérer ! Il n’y avait auparavant pas un filet d’eau en cet endroit, et l’on eut beau chercher, on n’en put découvrir aucune trace par la suite. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un homme rempli du Saint-Esprit accomplisse à son tour les miracles qu’opèrent tous les justes ; rien d’extraordinaire à ce qu’un homme uni au Christ par une grâce spéciale opère les mêmes prodiges que tous les autres saints[3].

Table des chapitres

[1] Celui de l’Alverne, d’après Barthélémy de Pise (AF IV, p. 38).

[2] Stupenda dignatio. L’expression sera reprise par saint Bonaventure dans le récit du même miracle (LM 7 12). Coïncidence plus étrange : elle est utilisée par saint François lui-même, à propos de l’Eucharistie, dans sa Lettre à tout l’Ordre (3 Let. 27).

[3] Par exemple : Moïse (Ex 17 6 ; Nb 20 10) et saint Benoît (Dialogues de saint Grégoire, 11, 5).

 

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