VITA SECUNDA 14

CHAPITRE 9

 

LES ALIMENTS QU’IL QUÊTAIT DE PORTE EN PORTE.

  1. Du jour où il se mit à servir le Seigneur de tout le monde, il voulut aussi faire les besognes de tout le monde et il fuyait les situations originales et privilégiées qui finissent toujours par s’entacher de vice. Par exemple, à l’époque où il se donnait tant de mal pour la restauration de l’église – le jeune homme délicat était devenu pesant et dur à la peine – le desservant, qui n’était pas sans remarquer l’épuisement consécutif à ses travaux quotidiens, fut ému de pitié et lui donna chaque jour une portion supplémentaire, sans grand apprêt toutefois, car lui-même était pauvre. Mais François, bien que sensible à ces délicates attentions, se dit en lui-même : « Tu ne rencontreras pas toujours ce prêtre pour te fournir une telle nourriture ; ta vie n’est pas celle d’un homme qui fait profession de pauvreté ; ce n’est pas prudent de t’y habituer : tu risques de retourner à ce que tu as méprisé et de retomber dans la mollesse. Allons, debout, et va-t-en mendier ton fricot[1] de porte en porte ».

Il partit donc vers Assise pour quêter aux portes sa nourriture. Mais quand il vit la galimafrée dans son écuelle, il fut pris d’un haut-le-cœur. La pensée de Dieu lui permit de vaincre sa répulsion et c’est avec la joie dans l’âme qu’il prit son repas. Quand on aime, tout est facile[2], et ce qui est amer devient doux[3].

Table des chapitres

 

[1] Pulmenta : ce qui se mange avec le pain, toute espèce de ragoût, pâtée pour la volaille ou les porcs.

[2] Omnia lenit amor, allusion, par antithèse, à l’Omnia vincit amor de Virgile, Eglog. X, 69.

[3] Allusion au Testament de saint François, verset 3.

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